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LA NUIT D’OCTOBRE.

Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n’a senti la douleur.

LA MUSE.

Il n’est de vulgaire chagrin
Que celui d’une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S’échappe aujourd’hui de ton sein.
Crois-moi, parle avec confiance ;
Le sévère Dieu du silence
Est un des frères de la Mort ;
En se plaignant on se console.
Et quelquefois une parole
Nous a délivrés d’un remord.

LE POÈTE.

S’il fallait maintenant parler de ma souffrance,
Je ne sais trop quel nom elle devrait porter.
Si c’est amour, folie, orgueil, expérience,
Ni si personne au monde en pourrait profiter.
Je veux bien toutefois t’en raconter l’histoire,
Puisque nous voilà seuls assis près du foyer.
Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire.
Au son de tes accords, doucement s’éveiller.

LA MUSE.

Avant de me dire ta peine,
Ô poète, en es-tu guéri ?
Songe qu’il t’en faut aujourd’hui
Parler sans amour et sans haine.
S’il te souvient que j’ai reçu
Le doux nom de consolatrice,
Ne fais pas de moi la complice
Des passions qui t’ont perdu.

LE POÈTE.

Je suis si bien guéri de cette maladie,
Que j’en doute parfois lorsque j’y veux songer ;