Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
ORGANISATION FINANCIÈRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

chocs (runs) de la défiance populaire, contre lesquels rien, jusque ici, n’a pu tenir.

Nous n’examinerons pas si l’on peut introduire des réformes utiles dans la constitution des banques par actions, qui se répandent de nouveau en Angleterre. Il est une question préalable à vider. Le droit d’émettre le papier-monnaie doit-il appartenir à un établissement unique, ou devenir la propriété de quiconque aura des capitaux et l’habileté suffisante pour les exploiter ? Lequel est le plus sain, en pareil cas, du régime du monopole ou de celui de la concurrence ? Est-il possible que, dans un pays où le type monétaire a été ramené à l’unité pour les espèces métalliques, il y ait cinq cents sortes de papier-monnaie ? que l’unité soit d’un côté, et de l’autre l’anarchie ? La lettre de change n’est pas une monnaie, parce que sa valeur varie suivant le crédit du tireur et de l’endosseur ; or, en quoi les billets de banque auraient-ils cet avantage de préférence à la lettre de change, s’ils ont un escompte à subir, marqué par les divers degrés de confiance que le public accorde à chaque établissement ?

Au moyen-âge, le droit de battre monnaie, droit féodal et de souveraineté, appartenait à tous les seigneurs qui avaient des terres et des vassaux. C’était la confusion des espèces aussi bien que celle des langues et des pouvoirs. Et comme rois, ducs, comtes et barons, dans une nécessité pressante, ne se faisaient nul scrupule d’altérer le titre des valeurs monétaires, le commerce, dans ses échanges, ne jouissait d’aucune sécurité. Le temps et la civilisation ont ramené les monnaies, ainsi que les provinces, à l’unité dans chaque royaume. Cette unité tend même à s’établir entre les divers royaumes de l’Europe, où le type français, le plus simple de tous et le plus rationnel, commence à dominer ; mais la monnaie métallique ne sera à son état le plus parfait que lorsque le même type monétaire servira d’agent à la circulation chez tous les peuples civilisés.

La monnaie de papier est encore aujourd’hui, en Angleterre et aux États-Unis, dans son état féodal. La libre concurrence du commerce d’émission ne représente pas autre chose dans ces contrées. Chaque banque locale est comme un tyran de province, dont la monnaie n’a cours que parmi ses vassaux ; ici encore, la multiplicité des signes monétaires s’oppose à leur universalité. Ce ne sont pas des valeurs qui puissent servir partout de base aux échanges. L’anarchie se trouve même poussée beaucoup plus loin pour la monnaie de papier qu’elle ne l’a jamais été pour la monnaie d’or et d’argent ; celle-ci, dans les pays où son empreinte n’a pas cours, conserve une