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ORGANISATION FINANCIÈRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

La cour des comptes a une juridiction fort limitée et se trouve placée dans la dépendance du Trésor. Les dépenses de l’armée et de la marine ne lui sont pas soumises ; les branches les plus importantes du revenu public, les douanes et l’excise, échappent de même à son examen. Les comptes qu’on lui produit ne comprennent généralement que les dispositions faites sur la Banque, et ne présentent en aucune façon la situation des dépenses acquittées. Ajoutez que le bilan financier porte uniquement sur le revenu net, et laisse en dehors tous les frais de perception. Le docteur Bowring a prouvé dans la dernière session que 6,150,000 livres sterling, environ 154,000,000 de francs, échappaient ainsi chaque année au contrôle de l’administration et du parlement.

La cour des comptes en Angleterre n’est, comme l’a si bien dit M. Bailly, qu’un bureau de vérification, dont les travaux sont subordonnés à l’approbation de la Trésorerie. L’audit office arrête les comptes ; la Trésorerie approuve ou modifie l’arrêté, et distribue ensuite à la chambre des communes un aperçu général des recettes et des dépenses de l’année, espèce de compte de caisse appuyé de développemens sommaires, que le parlement enregistre sans discussion. Cette imperfection de la comptabilité administrative oblige les chambres et le gouvernement à recourir à la voie incertaine et dispendieuse de l’enquête, chaque fois que l’on veut constater les résultats de tel ou tel système d’impôt. C’est ainsi que les comités d’enquête sont devenus, dans la Grande-Bretagne, un des principaux ressorts du gouvernement.

Il est tout simple que le gouvernement central manque de moyens de contrôle, quand il n’a pas d’action sur les localités. On pourrait citer telle branche d’administration qui n’a pas, hors de la capitale, un seul bureau ni un seul agent. Pour donner un exemple, c’est à Londres que tous les journaux des comtés envoient leurs papiers, afin de les faire timbrer ; aussi les frais d’impression sont surchargés pour eux des frais de transport, tandis que leurs confrères de Londres, voisins du stamp-office, n’ont pas les mêmes dépenses à supporter. De là résulte l’inégalité de l’impôt. Rien n’est complet en Angleterre ; l’ordre qui règne entre toutes les parties de ce grand empire est la conséquence des mœurs et non celle des lois ; la pratique remplit incessamment les lacunes, ou corrige les vices de la législation ; car, chaque Anglais porte en lui comme un admirable instinct qui l’avertit de ce qu’il doit faire et de ce qu’il doit éviter. L’édifice de la grandeur anglaise figure aux yeux cette gigantesque ville de Londres, assemblage