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DU POUVOIR EN FRANCE.

la dissolution, comme sa position dans le pays lui faisait une obligation impérieuse de l’amnistie. Ce cabinet est faible certainement pour les grandes luttes de la tribune ; mais il a osé s’appuyer sur une idée, et cette idée lui a prêté sa force intime. En proclamant l’amnistie, puis, en marquant une ère nouvelle, ère du désarmement et du pied de paix à l’intérieur, par le renouvellement de la chambre élective, le ministère du 15 avril a subi une des conditions du gouvernement représentatif. À chaque situation sa législature, sous peine de chercher avec aussi peu de résultat que de dignité une majorité introuvable. La courte histoire du gouvernement représentatif en France atteste que les majorités les mieux assises se sont constamment modifiées selon les mouvemens de l’esprit public au dehors. Les élections partielles opérées sous l’empire de la loi du 5 février 1817, les élections générales de novembre 1827, donnèrent des majorités indécises et flottantes, parce que la situation du pouvoir n’était pas fixée vis-à-vis du pays ; mais au 8 août 1829, le nom seul de M. de Polignac réunit en faisceau une chambre dominée jusqu’alors par les plus insignifiantes coteries, et dont la destinée était de s’abîmer bientôt au sein des perplexités qu’enfante toujours une révolution. La chambre des 221, renouvelée en grande partie en vertu de la loi du 12 septembre 1830 ; celle que convoqua M. Laffitte, et devant laquelle recula d’abord Casimir Périer, exprimèrent avec une triste vérité les hésitations du pays sur l’interprétation, la nature et les limites de la révolution de juillet. La chambre de 1834 fut presque unanime tant que se produisirent les dangers qui compromettaient à la fois l’ordre social et l’ordre politique ; elle se fractionna comme le pays lui-même dès qu’il n’y eut à prendre parti que sur des questions de personnes. Cette majorité disciplinée pour la lutte était comme mal à l’aise dans la paix ; elle hésitait à s’asseoir dans les conditions normales d’un gouvernement consolidé, dans la crainte de désarmer le pouvoir, dans la crainte aussi de paraître abdiquer son passé et donner raison à ceux qui l’avaient attaquée avec autant d’acharnement que d’injustice.

Se demander quelle sera la chambre de 1837, c’est donc rechercher quelle situation elle représente.

Or, la situation du pays se produit en ce moment sous un aspect vraiment nouveau. Depuis vingt-deux ans la France possède des institutions représentatives, et c’est peut-être la première fois qu’elle approche de l’urne électorale l’esprit dégagé de toute préoccupation dominante, et le cœur ouvert aux passions locales bien plus qu’aux