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DU POUVOIR EN FRANCE.

bien senti en se retrouvant, au sortir de cette situation agitée autant qu’impuissante, sous la main de la seule administration à laquelle il fût donné de la calmer et de préparer des jours meilleurs. Les positions avaient été tellement faussées, les irritations étaient si vives, les repoussemens si énergiques, que tout le bien qui s’est fait depuis six mois était impossible par une autre que par elle.

C’est là le véritable titre du cabinet actuel, et il peut l’invoquer à bon droit en montrant la sécurité partout rétablie, les haines, sinon éteintes, du moins calmées, la personne royale délivrée d’une contrainte odieuse pour elle, humiliante pour la France. Mais ce titre suffirait-il seul pour lui assurer un avenir ? Ses membres sont trop éclairés pour n’en pas douter, pour ne pas apprécier tout ce qui s’agite hors de son sein, de force politique et de puissance parlementaire.

Si l’ordre intérieur était troublé, si les intérêts se sentaient le moins du monde compromis, ils rallieraient bientôt la bannière des hommes qui professent l’opinion d’une résistance plus énergique, d’une organisation plus forte du pouvoir. Si, au contraire, le système politique devait changer au dehors, si quelque évènement compromettait l’honneur ou la sécurité de la monarchie bourgeoise, cette question ramènerait au premier plan des affaires l’homme qui sut y rattacher sa fortune et attendre qu’elle mûrît. Or, cette éventualité est-elle donc bien hasardée ?

Le ministère dont M. Molé est le chef a voulu reprendre les affaires au point où les avait trouvées, lors de sa formation, le cabinet du 6 septembre 1836, mais en suivant désormais, sans en dévier, les voies qu’avait voulu se tracer dans l’origine l’administration mixte de cette époque ; voies de conciliation et d’amélioration intérieures, dont des faits imprévus et des influences funestes l’avaient si déplorablement écartée.

Lorsque MM. Molé et Guizot s’entendirent pour remplacer le cabinet que la question d’Espagne avait si soudainement dissous, ils rencontrèrent faveur auprès des chambres comme auprès de la royauté, faveur auprès du pays, auquel M. Thiers n’était pas parvenu à faire comprendre l’urgence d’une politique plus décidée dans les affaires de la Péninsule. La prospérité matérielle était grande, le découragement des partis profond. On était assez près du danger pour que le pays tînt compte de leurs services aux hommes qui avaient courageusement contribué à l’écarter ; on en était assez loin pour que les cœurs s’ouvrissent dès-lors à des pensées de pardon et de clémence. On voulait alors ce qu’on veut aujourd’hui, jouir d’une