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rait rien représenté. Or, il en est de l’apanage comme de la plupart de ses principes : rien ne se justifie mieux en théorie, en partant de la base de la monarchie constitutionnelle, et rien ne rencontre plus de résistance dans les mœurs, et n’est plus dangereux à tenter.

Pour peu qu’on ait étudié avec quelque soin le mouvement des affaires depuis sept années, il est visible que le pouvoir auquel la loi fondamentale a commis le soin d’organiser le ministère, selon les oscillations de l’opinion, s’est toujours efforcé, autant qu’il l’a pu, de constituer le cabinet en dehors des deux influences exclusives, dont l’une finirait par entraîner un changement de système au dehors, l’autre de profondes modifications dans le système au dedans.

Le ministère du 15 avril est l’expression la plus complète, qui ait été fournie jusqu’à présent, de cette situation mixte, dont il recueille à la fois l’avantage et l’inconvénient.

L’avantage, et celui-ci est bien grand, c’est de n’inspirer de repoussement à personne ; l’inconvénient, c’est de manquer de cette énergie qu’une vue passionnée imprime toujours, et peut-être imprime seule à la vie publique, aussi bien qu’à l’existence individuelle. L’homme d’expérience et de mœurs douces, à l’esprit plus conciliant que tranché, qui tourne les aspérités des choses au lieu de les aborder de front ; cet homme-là, s’il ne traverse le monde inaperçu, suscitera des irritations diverses qui ne manqueront pas de se coaliser contre lui. Il en est toujours ainsi tant que les idées agressives n’ont pas perdu toute foi en elles-mêmes.

Or, il suffit d’étudier, au sein des chambres et dans la presse, l’école organique, pour voir qu’elle est assurément bien compacte. Il suffit, d’autre part, de contempler l’Europe, de pressentir la situation, où une seule question, celle qui porte en germe toutes les autres, la question d’Espagne, peut, d’un jour à l’autre, placer la France, pour s’assurer que les éventualités de l’avenir sont bien graves, et que l’école nationale trouvera plus d’une brèche pour assaillir le système dont la mission est de maintenir la paix du dedans et du dehors.

Il se peut, et j’accepte de grand cœur un tel augure, que la trêve de Dieu soit longue, que le bonheur et l’habileté retardent le jour des grandes épreuves et des luttes décisives. Lorsqu’on se rappelle ce découragement profond, qui, aux premiers mois de cette année, avait atteint les ames et presque déraciné toute espérance, lorsqu’on se reporte à cet interrègne ministériel, à cet avortement de toutes les combinaisons successivement essayées, on éprouve un bonheur