Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
REVUE DES DEUX MONDES.

tions qu’il combat ici, si on avait à le juger seulement comme publiciste et comme orateur, il pourrait rappeler avec quelque fierté un programme qui, dans le cours de vingt années où sa fortune a traversé tant de vicissitudes, le montre si conséquent avec lui-même.

Mais, dans l’état des mœurs et des intérêts dominans en France, au sortir d’une révolution qui substitua à une vieille dynastie un établissement dont l’origine était trop tumultueuse et trop récente, pour que chacun ne se crut pas le droit d’en discuter le principe, le pouvoir peut-il se présenter avec cette autorité dans les personnes, cette indépendance dans l’action, cette suprématie de position et de pensée qu’entendait lui départir le publiciste ? Sous ce rapport, n’a-t-il pas demandé à la royauté nouvelle ce que la royauté même de la restauration n’eût pas pu lui donner ; et si l’avènement des classes moyennes au pouvoir présente d’incontestables avantages, ne faut-il pas savoir l’accepter avec les modifications que cet avènement entraîne dans le génie et les formes extérieures du gouvernement ?

Si la disposition à restreindre les limites du pouvoir, pour le subalterniser jusqu’à la condition de commis, tient à un mauvais sentiment, ce que je n’entends pas du tout contester, il faut reconnaître que la tendance opposée présente des inconvéniens non moins graves dans les temps critiques que traverse la France. Il n’est pas donné au gouvernement de faire ainsi rentrer l’ordre dans les têtes et la soumission dans les cœurs ; il peut, malheureusement, à cet égard, bien moins qu’on n’en espère et que l’école doctrinaire ne semble en attendre. Il doit sans doute hâter, par tous les moyens que comportent la prudence et le tempérament du siècle, la diffusion de la vérité ; mais il ne saurait se considérer comme en étant la source, et ne doit pas se dissimuler qu’il peut quelquefois lui devenir un obstacle.

Si le pouvoir peut tout dans l’ordre matériel et administratif, c’est qu’il est, en France, le représentant de la seule force d’association organisée. Mais faire reculer certaines idées, en faire avancer certaines autres, désabuser les esprits de théories fallacieuses, rendre au respect des peuples ce qui fut long-temps livré aux attaques et aux sarcasmes, c’est là une tâche où il doit, dans l’intérêt même des éternels principes qu’il veut faire revivre, se résigner à n’intervenir que comme auxiliaire du temps, de l’expérience et de la raison publique.

Que la paix se fasse et se maintienne autour de nous ; que les passions, comprimées par les intérêts, puissent sortir de l’état fébrile, et en politique, aussi bien qu’en religion, la vérité, le premier besoin