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DU POUVOIR EN FRANCE.

Ce ministre dut son triomphe à sa foi profonde dans ce vœu intime d’ordre et de paix, que les cris de l’insurrection et le partage diplomatique de la tribune n’empêchèrent pas un instant de monter clair et distinct jusqu’à lui, pour soutenir son courage et son cœur. Il n’avait qu’une pensée, mais cette pensée-là suffisait à sauver la France et l’Europe.

« Les principes que nous professons, disait-il en montant pour la première fois à la tribune après son élévation au ministère[1], et hors desquels nous ne laisserons aucune autorité s’égarer, sont les principes même de notre révolution. Or, ce principe, ce n’est pas l’insurrection, mais la résistance à l’agression du pouvoir. On a provoqué la France, on l’a défiée, elle s’est défendue, et la victoire est celle du bon droit indignement outragé. Le respect de la foi jurée, le respect du bon droit, voilà donc le principe de la révolution de juillet, voilà le principe du gouvernement qu’elle a fondé.

« Car elle a fondé un gouvernement et non pas inauguré l’anarchie. Elle n’a pas bouleversé l’ordre social, elle n’a touché qu’à l’ordre politique. La violence ne doit être ni au dedans ni au dehors le caractère de ce gouvernement. Au dedans tout appel à la force, au dehors toute provocation à l’insurrection populaire est une violation de son principe. Voilà la règle de notre politique intérieure et de notre politique étrangère.

« À l’intérieur notre devoir est simple : nous n’avons point de grande expérience constitutionnelle à tenter. Nos institutions ont été réglées par la Charte de 1830. Nous imposerons aux autorités qui nous secondent l’unité que nous avons voulu pour nous-mêmes. L’accord doit régner dans toutes les parties de l’administration ; le gouvernement doit être obéi et servi dans le sens de ses desseins. »

Ce programme était sans doute fort simple, et le prédécesseur de Casimir Périer n’eût pas trouvé d’autres paroles. Mais pouvait-il les prononcer encore, quand la croix, ce signe révéré du monde, avait disparu sous le marteau, et lorsque les autorités secondaires ne craignaient pas d’étaler, devant les chambres et le pays, le scandale de leurs dissensions impunies ?

Quand les passions sont allumées sans avoir devant elles un but précis à atteindre, une idée qui se produit avec force et netteté, conquiert une prompte et infaillible puissance. En présence de celle qu’exprimait alors le ministère et à laquelle sa conduite de chaque

  1. Séance du 18 mars 1831.