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bon, lorsque celui-ci argue de la disparition du vieil écusson national et du titre même donné au nouveau monarque, comme pour repousser toute solidarité entre lui et les six rois de son nom qui ceignirent, en d’autres siècles, la couronne de France ?

Tristes querelles où, pendant deux années, s’est épuisé l’esprit de la nation ! équivoques gratuites et prétentions exclusives, que l’on aurait évitées en comprenant bien qu’il n’y avait eu qu’une transaction pour tous dans ce que chacun s’attribuait comme une victoire ! Il en est presque toujours ainsi des révolutions : rarement le but en est assez clairement défini et le mobile assez simple pour qu’il y ait accord parfait de vues et d’espérances entre tous ceux qui y concourent. Celle de 1688 elle-même, dont la marche religieuse et politique était pourtant si rigoureusement tracée, et qui, respectant la constitution et la hiérarchie gouvernementale dans leur intégrité, n’entendit toucher qu’à une personne ; cette révolution, opérée sur un terrain fixe et solide, subit aussi, quoique à un degré moins grave, les interprétations des partis. On peut voir, dans Burnet, les sous-entendus et les subtilités légales employés par les restes de la faction républicaine, par la haute église aussi bien que par les jacobites honteux, pour introduire, dans l’acte même qui appelait au trône Guillaume et Marie, des paroles de nature à consacrer les doctrines des uns, à calmer les scrupules ou les appréhensions des autres.

Le premier ministère du roi Louis-Philippe ne représenta qu’une seule chose, l’opposition au gouvernement de la branche aînée des Bourbons, opposition qui avait été compacte et disciplinée tant qu’elle eut à lutter contre un système antipathique au pays, mais qui ne pouvait manquer de se dissoudre du moment où il lui faudrait agir par elle-même.

Durant les quinze années de la restauration, le parti libéral avait ouvert ses rangs aux dévouemens de toutes les origines. Les conspirateurs des sociétés secrètes, les hommes de l’empire, tombés des grandes fortunes militaires au rôle de tribuns, si peu fait pour eux, se trouvaient associés, non par leurs intentions, mais par une résistance commune, à cette nombreuse opposition bourgeoise qui ne réclamait de la royauté, pour prix d’un concours loyal, que l’abandon de traditions incompatibles avec les mœurs et les intérêts nouveaux. Les hommes qui avaient versé leur sang à Waterloo pour relever les aigles marchaient alors, dans la grande armée libérale, côte à côte avec ceux qui, dans la personne du roi Louis XVIII, avaient salué le restaurateur de la liberté politique, venu pour faire cesser le mu-