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a permis de passer à côté des noms propres sans y toucher, et de ne prendre dans les faits que la force plastique qui les façonne et les domine. Mais il nous reste à lier ces faits dans leur enchaînement chronologique, à justifier des doctrines générales par des applications directes ; enfin, après avoir analysé les idées, abstraction faite des personnes, nous devons apprécier les personnes dans la pratique même des affaires. Dès-lors ce ne sont plus les partis qu’il faut étudier dans leurs nuances et leurs hypocrisies, c’est la marche du pouvoir qu’il convient d’embrasser de la révolution de 1830 au moment présent. Nous prononcerons donc cette fois beaucoup de noms propres, et nous osons croire inutile d’ajouter que ce sera sans haine, comme sans dévouement personnel. Nous avons le droit d’être juste sans avoir contracté l’obligation d’être sectaire. La nature même de ce travail interdit ces inféodations systématiques que l’on comprend dans certaines positions, mais qui ne vont pas à la nôtre. Nous pouvons montrer par où tel homme attire, sans dissimuler par où il repousse, fidèle en cela au système qui seul sépare l’histoire de la polémique.


La principale difficulté pour le pouvoir sorti des évènemens de 1830 consistait à dégager son principe en l’élevant au-dessus des prétentions inconciliables auxquelles des faits d’ordres très divers semblaient prêter une égale légitimité. La monarchie proclamée le 7 août au palais Bourbon ne représenta d’abord, pour la France et pour l’Europe, rien de distinct et de parfaitement appréciable.

Il y avait là un pêle-mêle d’hommes et de choses devant lequel l’imagination s’arrêtait pleine d’hésitation et d’inquiétude. L’accord passé le lendemain de la victoire n’attestait guère que la crainte réciproque des partis en face les uns des autres, que le désir unanime de retarder une collision par un moyen terme qui laissât le champ ouvert devant toutes les espérances. Il fallait que la force prépondérante se produisît manifeste à tous les yeux ; résultat qui ne pouvait manquer d’être obtenu, si la violence populaire n’altérait l’équilibre naturel des partis, en prêtant à l’un d’eux une puissance factice. Cette manifestation a été lente et pénible ; elle paraît aujourd’hui complète, et l’on ne saurait désormais conserver de doute sur les intérêts auxquels appartient en ce temps le gouvernement de la société, puisque seuls ils sont en état de le défendre.

À mesure que la monarchie actuelle affecte un caractère spécial et prend une physionomie plus prononcée, on comprend moins