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tuellement exercée en Grèce par le cabinet de Vienne), il faut croire que l’Autriche, si peu remuante de sa nature, essaie de prendre, en Orient, position contre la Russie, bien qu’en apparence M. de Metternich et M. de Nesselrode soient assez d’accord pour soutenir M. de Rudhart. Mais cela vient de ce que les deux cabinets redoutent également son prédécesseur, M. d’Armansperg, qui s’était entièrement livré à l’Angleterre, et un autre homme d’état, le plus national et le plus populaire de la Grèce, qu’on tient depuis long-temps dans l’honorable exil d’une ambassade.

Le ton de la correspondance de M. Lyons avec M. Rudhart n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus convenable au monde, ni de plus conforme aux traditions diplomatiques. On y voit percer le ressentiment conservé par l’Angleterre pour la destitution de M. le comte d’Armansperg, et après tout, le gouvernement grec était rigoureusement dans son droit. Mais ce droit, il l’a exercé d’une manière odieuse, et on doit féliciter le ministre français à Athènes d’avoir, en cette circonstance, officieusement agi dans le même sens que son collègue, M. Lyons. Aujourd’hui, en effet, nous sommes à peu près d’accord avec l’Angleterre sur la question grecque, et dans le sein de la conférence de Londres, lord Palmerston ne s’est pas trouvé plus disposé que le plénipotentiaire français à autoriser l’émission d’une partie quelconque de la troisième série de l’emprunt grec. Nous qui avons quelquefois révélé sans mauvaise intention les infirmités de l’alliance anglaise, ce serait avec plaisir que nous la verrions partout ailleurs aussi réelle, aussi vraie dans la pratique, qu’elle l’est redevenue en Grèce depuis la retraite du comte d’Armansperg. Nous n’aurions pas à déplorer qu’il en fût autrement, si, dans le besoin que l’on ressent de la conserver efficace et sérieuse, on subordonnait constamment des deux côtés l’accessoire au principal, les petites tracasseries aux grandes questions, le choc des petits intérêts contraires au grand intérêt commun.

On n’a, depuis quelque temps, assez ménagé l’alliance anglaise ni en effets, ni en paroles. Il semble que ses inconvéniens, sous le rapport des hommes et des choses, aient paru plus grands que ses avantages, et l’Europe a suivi d’un œil avide les progrès de ce relâchement universel dans le système de politique extérieure qui a permis à la France de prendre Anvers et d’occuper Ancône. L’Europe a fait plus : elle a encouragé ce relâchement de nos liens avec l’Angleterre autant qu’il était en elle. Mais elle ne peut nous offrir, et de long-temps nous ne pourrons accepter d’elle, aucun équivalent pour le sacrifice auquel son impatience nous pousse. Quand même elle le pourrait, la question de préférence ne serait pas résolue par cela seul ; mais il suffit qu’elle ne le puisse pas et qu’on le sente bien, pour que nous n’allions pas inconsidérément nous affaiblir du côté où nous sommes forts, sans avoir chance de nous fortifier du côté où nous sommes faibles. Nous vivons en paix avec l’Europe ; mais, sauf un rapprochement viager entre la Prusse et la dynastie nouvelle, les autres puissances du continent, grandes et petites, ne nous épargnent guère un embarras, une tracasserie, une menace plus ou moins déguisée, quand elles le peuvent. Nous ne parlerons pas de la