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REVUE. — CHRONIQUE.

reçu l’ordre de s’embarquer pour l’Angleterre. D’un côté, on allègue pour justifier cette mesure rigoureuse, que M. Confalonieri n’a été rendu à la liberté, après douze ans de détention au Spielberg, et sur les pressantes sollicitations du roi, qu’à la condition de ne pas séjourner en France. Mais il paraît que l’intervention du roi en faveur du malheureux prisonnier s’est exercée à son insu, car il déclare, dans une lettre publiée par les journaux, n’en avoir eu jusqu’ici aucune connaissance, et, en ce qui le concerne, n’être engagé que par le seul intérêt de sa sûreté personnelle à ne pas reparaître dans les états autrichiens. Le comte Confalonieri, déjà avancé en âge, épuisé par les longues souffrances du Spielberg, dont le livre de Silvio Pellico ne donne qu’une faible et incomplète idée, ne saurait être à Paris un homme dangereux, ni pour l’Autriche, ni pour la France. Il a payé sa dette à sa patrie et à sa cause. Nous espérons donc que pour effacer au plus tôt les traces d’une rigueur qui a dû coûter beaucoup au gouvernement, les démarches nécessaires seront faites à Vienne, afin d’obtenir la levée d’une interdiction sans motifs sérieux, qui mutile le bienfait et diminue le mérite du bienfaiteur.

Au milieu de ce débat, l’opinion publique reste incertaine et s’égare dans des suppositions fâcheuses qui ne devraient jamais pouvoir être accueillies par elle. Il faut croire que le gouvernement a eu de bien graves motifs pour adopter envers M. Confalonieri la mesure à laquelle il s’est porté. Il ne cherche pas l’occasion de se montrer rigoureux et dur ; il a fait tomber bien des fers et ouvert bien des prisons ; il laisse vivre à Paris, sans les inquiéter, des réfugiés plus jeunes, plus énergiques et d’opinions plus menaçantes, et qui pourraient être dangereux, s’ils le voulaient. Ce nous est une raison suffisante pour ne pas le croire capable d’avoir repoussé légèrement du sol hospitalier de la France un noble et malheureux proscrit. Mais nous désirons qu’un prompt retour de M. le comte Confalonieri vienne calmer les justes susceptibilités de l’honneur national, et donner tout son prix à la liberté qu’une haute intervention lui aurait fait rendre.

La bienfaisante pensée de l’amnistie se complète de jour en jour davantage sous l’influence de M. Molé, qui avait si bien jugé, dès le premier moment, les heureux et féconds résultats de cette grande mesure. Aussi voit-on dans le pays une tendance générale au rapprochement et à la fusion se manifester avec plus d’éclat que jamais. Le moment serait donc mal choisi pour rétablir des catégories que l’on ne comprend plus, et faire de l’obscure métaphysique à propos de dénominations usées. Ce serait vouloir relever des barrières que les faits et la marche du temps ont renversées. On y a dû renoncer le jour où tous les esprits raisonnables, tous les hommes sans passion se sont accordés pour détendre les ressorts du gouvernement, et pour ne plus vivre en présence des partis vaincus et dissous, comme on avait vécu en présence de ces mêmes partis organisés, armés et menaçans. La solennelle épreuve des élections générales se prépare paisiblement sous l’empire de cette situation ; et malheur à qui ne la comprend pas. Les monomanes de résistance et de lutte contre des enne-