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sait ses envoyés du territoire de son nouvel empire ; l’autre devenait l’idole de l’armée, et c’était en tremblant que le malheureux roi suivait les progrès d’une popularité qui eût dû être si douce à son cœur. Son épouse et ses filles chéries, les princesses d’Espagne, dont l’aînée surtout était l’objet de son orgueil et de sa plus tendre affection, avaient à peu près interrompu leurs rapports avec lui. Sa bienveillance était un titre et comme un signe de meurtre ; son ami, le marquis de Loulé, fut trouvé, baigné dans son sang, à la porte des appartemens royaux. Aussi vivait-il solitaire. Retiré dans son palais de Bemposta, ou dans le vaste monastère élevé par son aïeul Jean V, il ne puisait que dans les consolations religieuses quelque adoucissement à l’amertume de ses derniers jours.

Mais il dut épuiser la coupe jusqu’à la lie. Il vécut assez pour se voir prisonnier dans son propre palais, où la reine et son fils donnaient seuls des ordres. La fermeté du corps diplomatique, surtout celle d’un ambassadeur digne de la France[1], épargnèrent au Portugal les dangers, au monde le scandale d’une révolution, dont il eût été aussi difficile de déterminer le principe que d’assigner les conséquences. L’infant, instrument d’une tête plus puissante que la sienne, agit, en cette circonstance, avec une imprévoyance inexplicable. La journée du 30 avril fut, par lui, beaucoup plus consacrée à la haine qu’à l’ambition. Les prisons se remplirent des plus intimes et des plus sûrs amis du monarque ; déjà des préparatifs étaient faits pour dresser les échafauds, et l’on ne s’appuyait sur aucun fait, on ne faisait d’appel formel à aucune opinion, on ne recherchait le concours d’aucun intérêt ; c’était la politique de Constantinople transportée dans le sein de la chrétienté !

Il fut donné pourtant au triste Jean VI de régler, avant sa mort, les rapports politiques du Brésil et du Portugal, et il trouva quelques dédommagemens à la mortification que lui fit éprouver une concession nécessaire dans sa réconciliation avec l’un de ses fils, et le titre honoraire d’empereur qu’il fut autorisé à joindre à son interminable protocole. Le traité du 29 août 1825, dont on a prétendu faire, après coup, un prétexte d’équivoque relativement à la succession au trône de Portugal, n’en laissa d’abord aucune ni dans l’esprit du roi, ni dans l’opinion publique, sur les droits de successibilité réservés à don Pedro.

Si ces droits ne furent pas formellement mentionnés dans le traité,

  1. M. le baron Hyde de Neuville.