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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

avaient désespéré d’elles-mêmes, et la population tout entière secondait énergiquement la contre-révolution.

Une autre conjecture, qui circula dès-lors, acquit depuis tous les caractères de la certitude historique. Le roi ne pouvait ignorer que le mouvement de Villa-Franca n’avait pas pour but unique le renversement de la constitution, et qu’une trame était déjà nouée, au sein de sa famille, pour substituer une autre autorité à la sienne. Quoi qu’il en soit de ce fait, il caractérise à lui seul la triste situation d’un pays où les conjurations de cour font seules contrepoids aux complots de caserne, et où la nation accepte aujourd’hui, comme à cette époque, les résultats les plus contraires, sans plus de résistance que d’enthousiasme.

L’histoire n’offre pas un plus triste spectacle que celui des temps qui s’écoulèrent entre cette restauration et la mort du vieux monarque. Après le mouvement de Villa-Franca, Jean VI avait pris l’engagement spontané de préparer les bases d’une constitution nouvelle ; et, plus tard, la convocation des trois états du royaume fut formellement annoncée[1]. Le sens droit et la conscience de ce prince lui montraient cet engagement comme aussi nécessaire que sacré. Vingt fois des ordres furent donnés, vingt fois les menaces de sa famille et les intrigues diplomatiques en arrêtèrent l’effet. S’efforçant de maintenir dans son conseil un système de bascule, de satisfaire aux exigences des partis, et surtout des influences étrangères opposées, le roi promettait tour à tour d’accepter le joug de la France ou de l’Angleterre, à condition qu’on le défendît contre ses deux fils, l’un usurpateur de la plus belle moitié de ses états, l’autre qui conspirait sous l’œil même de son père.

C’était ainsi que ce prince, dans les angoisses de la défiance et de la terreur, passait des jours que n’eût point enviés le dernier de ses sujets. Absolu de nom, et toujours paralysé dans l’exercice de sa volonté royale, il faisait espérer chaque jour à l’Angleterre le renvoi de M. de Subserra, à la France celui de M. de Palmella. Il prenait avec cette dernière puissance, ainsi qu’avec les négocians de Lisbonne, l’engagement d’accorder enfin cette franchise du port, si impatiemment attendue ; mais son ministre des finances, grand pensionnaire d’Angleterre, qui préférait Gibraltar à Lisbonne, ne contresignait pas le décret, et le gardait en portefeuille. L’un de ses fils refusait d’ouvrir les lettres de son père, et chas-

  1. Proclamations du 31 mai et du 3 juin 1823.