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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

de 1828, qui l’appelèrent au trône, furent les organes et les derniers défenseurs d’un état de choses dont la corruption et la vénalité étaient, il est vrai, proverbiales, mais qui, au sein de cette indolente population, se maintenait par ses abus aussi solidement qu’un autre régime eût pu le faire par ses bienfaits.

L’organisation militaire du royaume reposait, comme son organisation municipale, sur des bases toutes féodales. Les régimens de milices, dans lesquels est de droit comprise toute la population, correspondaient aux divisions territoriales ; et selon les principes indiqués plus haut, les officiers étaient choisis de la même manière que les agens du pouvoir municipal. Des compagnies d’ordonnances marchaient directement sous les ordres du seigneur foncier, qui, de droit capitaine supérieur, capitaô mor, nommait les officiers subalternes sous l’approbation du roi. Cette organisation, qui met sous la main du pouvoir la totalité de la population était, selon l’observation du général Foy, dans sa belle Histoire de la guerre de la Péninsule, indispensable à un petit peuple appelé à combattre contre ses voisins à un contre cinq. Elle donne le secret de cette longue résistance dirigée jusqu’en 1834, par don Miguel, le dernier représentant des institutions antiques sur cette terre tellement couverte de leurs débris, que le soc de la charrue révolutionnaire s’émousse sans s’y enfoncer.

Si après cet aperçu on entamait avec quelque détail l’examen des établissemens ministériels proprement dits, on serait tout d’abord frappé du manque complet d’harmonie des vieilles institutions locales avec celles qui leur servent de couronnement ; les unes et les autres ne concordaient que par une vénalité et une lenteur d’exécution dont on trouve à peine des exemples dans les administrations les plus vicieuses de l’Europe, celles de l’Espagne et de la Sicile.

Une multitude vraiment effrayante de mesas, concelhos, juntas, alfandegas, auxquelles sont attachées des nuées d’oydores, contadores, veedores, escrivaos, commis de toutes les livrées dont notre personnel bureaucratique est loin de donner une idée, des juridictions à l’infini, la spécialité la plus ruineuse en même temps que la plus inutile, ce serait là le tableau de ce triste gouvernement où chacun vit d’abus, à commencer par la classe qui déclame le plus énergiquement contre eux.

Tel était le Portugal lorsque sonna pour lui l’heure des grands changemens. La main de Napoléon toucha le vieil édifice, qui, livré à lui seul, eût été incapable d’essayer la moindre résistance. Ce pays