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brillans comme son soleil, les villes maritimes leurs idées libérales et leur génie mercantile. Rien d’analogue en Portugal. De l’extrémité du Duero à la côte méridionale des Algarves, il n’est pas un coin de terre, Porto et Lisbonne exceptés, qui ne soit soumis aux mêmes influences, où la vie ne se colore d’une même teinte. Les jalousies provinciales n’ont opposé, en Portugal, nulle résistance aux tentatives de l’école libérale, et si celles-ci s’y sont si long-temps brisées contre des obstacles non moins invincibles que dans le royaume voisin, c’est à des causes fort différentes qu’il faut l’attribuer. Que faire, en effet, d’une population dont l’indolence forme le caractère distinctif, et qui, si elle ne se lève pas violemment, comme en Espagne, contre les réformateurs, les a toujours regardés faire avec une apathie cent fois pire qu’une opposition déclarée ? Accoutumé à des privations qui n’en sont pas pour lui, le Portugais végète plus qu’il ne vit sous un ciel doux et pur. Recevant de l’étranger les objets de sa consommation la plus usuelle, depuis le blé qui le nourrit, jusqu’aux grossiers vêtemens qui le couvrent, il les paie avec les grappes que le soleil mûrit au penchant de ses coteaux, et les fruits de l’oranger dont il respire le parfum, couché dans sa chétive cabane ou sur ses filets de pêcheur.

D’ailleurs ; cette population est encore dominée par une organisation féodale, que les réformes de ces derniers temps n’entament qu’à grand’peine, et dont les élémens sont complètement ignorés de l’Europe. C’est cet ordre de choses qu’il convient d’étudier en lui-même avant d’apprécier les institutions modernes que lui ont tour à tour superposées le génie despotique de Pombal, la révolution de 1820, la charte du 29 avril 1826, rétablie en 1832 pour disparaître de nouveau en 1836, devant la constitution de 1821.

Le droit public du Portugal fut celui de toute l’Europe féodale, et les cortès le promulguèrent pendant plusieurs siècles dans les grands comices de la nation. Lamego, Evora, Thomar, Coïmbre, Lisbonne, virent fréquemment se réunir ces assemblées souveraines, qui exerçaient, de concert avec les rois, et souvent contre eux, la plénitude du pouvoir national. Elles se composaient du roi, dont la mission était de les convoquer par un appel aux chambres municipales et aux membres nés de l’assemblée, des vassaux directs de la couronne, remplacés plus tard par les hidalgos titrés, des représentans du clergé réunis aux chefs des ordres militaires, des députés des villes auxquelles avait été reconnu le droit d’envoyer des procureurs du peuple, procuradores do povo.