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REVUE. — CHRONIQUE.

Ségovie par les carlistes, Espartero se porta avec le sien dans les environs de Madrid ; on sait quels évènemens en furent la suite. Oraa et Buerens restèrent seuls chargés d’observer et de tenir en échec le gros des forces du prétendant ; mais ils agissaient isolément. À la fin du mois dernier, tandis qu’Espartero s’éloignait de Madrid, après l’espèce de coup d’état que sa présence y avait provoqué, Buerens a été battu dans une affaire sérieuse, qu’il ne voulait pas engager, et qu’il n’a engagée que pour prévenir une insurrection de son corps d’armée. Cependant les carlistes n’ont pas tiré un grand parti de cet avantage, et maintenant Espartero, revenu dans ses positions de la fin de juillet, les menace de nouveau dans les leurs avec Oraa et les restes de la division Buerens, qu’il a ralliés. Ce qui rend toutefois la situation des carlistes moins dangereuse, et ce qui leur conserve toutes leurs chances, c’est le désaccord d’Espartero et d’Oraa. Leurs troupes ont opéré leur jonction ; mais il paraît que les deux généraux ne se sont pas vus, et qu’Espartero, commandant en chef, ne peut compter sur l’obéissance de son subalterne. Les troupes elles-mêmes partagent les antipathies de leurs chefs, et chaque division suit, en politique, un drapeau différent. Que celle d’Oraa se trouve à portée de Madrid, elle y fera peut-être à son tour une réaction révolutionnaire en faveur de M. Mendizabal ; que celle d’Espartero y soit rappelée, il est à craindre qu’exaspérée de la nomination du général Seoane à la présidence des cortès et de quelques autres actes de cette assemblée, elle ne fasse un 18 brumaire complet. C’est une révolution envisagée dès aujourd’hui, à Madrid, comme plus que possible, comme probable, si, dans la nécessité de défendre la capitale, Espartero se rapprochait du siége du gouvernement.

À la faveur d’un pareil état de choses et d’une dissolution si entière du parti qui lui est opposé, nous ne serions pas surpris de voir don Carlos prendre un ascendant qui finirait par lui ouvrir les portes de Madrid. Un grand nombre d’hommes politiques s’y attendent, et envisagent ce dénouement avec une résignation que nous ne comprenons guère. Tel est le chemin que la question espagnole a fait dans les esprits et dans la réalité depuis fort peu de temps.

Nous ne saurions en dire autant de la question portugaise, ou de la guerre que se font en Portugal les constitutionnels et les partisans de la charte de don Pédro. L’issue de cette guerre est encore incertaine, et, jusqu’à présent, il y avait eu peu de sang versé ; mais nous apprenons ce soir même qu’une sanglante affaire a eu lieu dans les environs d’Alcobaça (au nord de Lisbonne), entre les constitutionnels et les chartistes, commandés, ceux-ci par les maréchaux Saldanha et Terceire, les autres par MM. de Sa Bandeira et Bomfim. Tout l’avantage est resté aux troupes constitutionnelles. L’infanterie ayant très vivement engagé la bataille, celle des deux maréchaux a été écrasée, malgré une opiniâtre résistance. Ils ont alors fait avancer leur cavalerie ; mais à peine les deux corps étaient-ils en présence, que le cri de halte ! s’est fait entendre, et les soldats se sont donné la main sur le champ de bataille. Étonnés de ce résultat imprévu, Saldanha et le duc de Terceire ont demandé à parlementer, et on est convenu d’un armistice. Les deux armées se sont repliées en arrière, et les généraux victorieux ont aussitôt dépêché à Lisbonne le brigadier Celestino, pour instruire le gouvernement de leur succès et lui demander de nouveaux pouvoirs, afin d’accorder une ca-