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REVUE. — CHRONIQUE.

Syrie contre son insolent vassal, le pacha d’Égypte, et que M. l’amiral Roussin est revenu à Constantinople avec la stricte mission de maintenir à tout prix un statu quo humiliant et ruineux pour l’empire ottoman ; et enfin pour dernier trait, ce qui trahit toute l’intention de l’article, on ajoute qu’au reste la valeur des protestations amicales de la France envers le sultan va être mise à l’épreuve ; qu’une expédition est partie pour Tunis, chargée d’y opérer la destitution d’un pacha infidèle ; que le sultan verra bien si la France, qui se dit son alliée, entend lui laisser les mains libres, et lui permettre de rétablir son autorité comme et où bon lui semble.

Ainsi voilà pourquoi l’influence de la Russie pousse le sultan à une folle et dangereuse entreprise, c’est-à-dire pour river ses fers, pour avoir le droit de lui répéter que la France est son ennemie, et pour le forcer à se rejeter, plus souple, plus docile que jamais, entre les bras de son puissant et désintéressé protecteur ! Que si, dans une collision possible entre les deux escadres, la flotte turque avait été anéantie, c’eût été à Saint-Pétersbourg un double triomphe. Mais c’est déjà quelque chose que d’avoir prévenu le relâchement de l’alliance consacrée par le fatal traité d’Unkiar-Skelessi, alliance contre nature, et qui ne se peut maintenir qu’à force d’expédiens, de machiavélisme, de menaces secrètes et de caresses publiques.

Les dernières nouvelles de l’Italie sont plus rassurantes. L’ordre se rétablit en Sicile, et il n’a plus été troublé dans les Calabres ni dans l’Abruzze. Mais en Sicile, des exécutions nombreuses et de grandes rigueurs ont signalé la présence du général del Carretto, ministre de la police, et investi par le roi de pouvoirs extraordinaires pour comprimer la révolte. Le général del Carretto a parcouru les principales villes et s’est même avancé dans l’intérieur de l’île, avec de forts détachemens de troupes, qui n’ont éprouvé de sérieuse résistance nulle part. Le châtiment de la révolte a été prompt, cruel, impitoyable. Comme partout, la présence ou la crainte du choléra avait servi de prétexte aux plus coupables excès, il a été facile de confondre les délits politiques avec des désordres et des actes de férocité ignorante et sauvage, que doit punir toute société civilisée, et de les envelopper dans la même répression. Néanmoins l’ensemble et la portée réelle des évènemens qui ont lieu sont restés couverts d’un voile que la diplomatie étrangère n’a pas elle-même complètement percé, pas même la diplomatie de l’Autriche. Ce qu’il y a de certain, c’est que la mission du général del Carretto s’est prolongée au-delà du terme qu’on lui avait d’abord assigné et que l’ordre ne s’est rétabli qu’au moyen de rigueurs dont il ne nous appartient pas d’apprécier la nécessité et de présenter la justification. Le général del Carretto est revenu inopinément à Naples, il y a quelque temps, sans doute pour y faire connaître au roi les résultats obtenus et l’éclairer complètement sur la situation du pays. Il n’est resté que vingt-quatre heures à Naples, et il est aussitôt reparti pour la Sicile, d’où son retour définitif n’était attendu que pour dix ou quinze jours après. On croit qu’il sera contraint d’y laisser beaucoup de troupes, ce qui dégarnira peut-être trop la partie continentale du royaume ; mais on n’y aperçoit pas de symptômes menaçans.

Le cabinet de Vienne n’aura donc pas l’occasion d’intervenir dans l’Italie méridionale. Le désirait-il, comme l’ont fait supposer pendant quelque temps les publications alarmantes de la Gazette d’Augsbourg ? Il est permis d’en douter, quand on pense aux immenses embarras et aux complications redoutables qui en eussent été infailliblement la conséquence. M. de Metternich