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VOYAGE DU DUC DE RAGUSE.

les deux chaînes de montagnes prennent un nouveau caractère ; elles sont plus hautes, plus raides dans leurs pentes, et également dépouillées. Mais la vallée et le fleuve gardent toujours leur magnificence. À Fahr, le pays redevient pauvre, inculte et désert. Les crocodiles apparaissent en grand nombre. Kénéh, l’ancienne Néopolis, est une ville fort importante et le point habituel de communication de la Haute-Égypte avec la côte d’Arabie. Une route conduit à Cosseïr, qui est le port de cette côte, et sert de relâche aux bâtimens qui entrent dans la mer Rouge.

Thèbes est voisine de Kénéh ; peu d’heures de navigation l’en séparent. C’est sur la rive gauche du Nil qu’était placée la plus grande partie de la ville. Les monumens dont on voit les restes sur cette rive sont un palais construit par le pharaon Menephtath Ier, père de Rhamsès-le-Grand (Sésostris) ; plus loin, le Memnonium, connu des anciens Égyptiens sous le nom d’Amenophi, son fondateur ; puis, le Rhamseïon, bâti par Sésostris ; au sud-ouest, le Rhamsès-Méiamoun ; enfin, en continuant au sud, une immense enceinte qui forme un tout complet et présente aujourd’hui des reliefs élevés et réguliers. Sur la rive droite et sur le bord du fleuve était un gigantesque palais composé de plusieurs parties ; on y trouve aujourd’hui les nombreuses cabanes du village de Louqsor. À trois quarts de lieue plus bas, on voit le plus grand de tous les palais, celui de Karnak, dont une description ne peut donner l’idée, et il est lui-même environné d’une suite de palais qui en sont comme les dépendances.

L’émotion du maréchal en face de ces magnifiques débris est vive et se communique au lecteur : sans avoir la pensée de décrire tous ces monumens après la commission d’Égypte et Champollion, le voyageur nous intéresse par la clarté de ses indications, et la sincérité de ses sentimens ; ses vues historiques sur l’ancienne Égypte sont pleines de justesse ; son admiration pour les monumens de Karnak est exprimée sans enflure ; leur grandeur infinie vous devient sensible, et le siècle de Sésostris semble reprendre de la vie sous la plume de ce lieutenant de Napoléon.

Dendérah, éloigné seulement d’une lieue de Kénéh, est placé sur la limite même du désert libyque dont les sables ont envahi tous les environs. Le temple a tout ensemble de la majesté et de l’élégance ; on voit qu’il a été construit en plusieurs fois. On ne peut pas le parcourir intérieurement dans son entier, à cause des décombres qui en remplissent une portion. On voit dans la partie supérieure l’em-