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tion ; mais on dit que les membres en sont médiocres. Méhémet-Ali a divisé l’Égypte en cinq grands gouvernemens dont les chefs ont le titre de Moudirs ; viennent ensuite les provinces, les arrondissemens, les cantons et les villages.

La propriété a toujours été incertaine en Égypte ; jamais elle n’a eu des bases fixes comme dans l’Occident. Comme l’eau fait toute la valeur de la terre, puisqu’elle apporte les élémens de sa végétation, le propriétaire de l’eau du Nil est le véritable propriétaire des terres, et ce propriétaire est le gouvernement. Voici le système adopté par Méhémet-Ali. Le chef de culture, assisté par le cheik-elbeled de chaque village, fait tous les ans la répartition des terres à cultiver par les habitans, puis on détermine la culture qui leur sera appliquée. La doura est abandonnée à la famille pour sa nourriture. Quant aux autres produits, ils sont divisés en deux classes : les blés, l’orge, les légumes, les graines de trèfle, appartiennent au cultivateur, sauf la quantité que demande le pacha, et qui change chaque année. Habituellement c’est la moitié ou les deux tiers de la récolte. Mais le reste, — c’est-à-dire le riz, le coton, le sucre, l’indigo, l’opium, la garance, est exclusivement réservé au pacha. Il est défendu au cultivateur, sous les peines les plus graves, d’en retenir la plus petite quantité. Toutes ces denrées sont portées dans les magasins publics et reçues au compte des fellahs au taux réglé par le pacha, taux qui ne dépasse jamais les deux tiers du prix marchand. Le fellah doit au pacha le miry, qui est l’impôt ou le prix de location des terres. Cette somme est fixée d’après la classe de la terre. Le fellah paie encore un impôt personnel ; son bétail est aussi imposé. Les barques du Nil le sont également. Le fellah est obligé de prendre dans les magasins publics tout ce qui lui est nécessaire, habillement, chemises, manteaux. C’est le pacha qui lui vend les semences pour la culture, les bœufs, la voile et les agrès de son bateau, jusqu’à la natte sur laquelle il dort. Un compte est ouvert par les percepteurs des villages à chaque habitant ; tous les quatre ans on fait la balance. Si le fellah est constitué débiteur, on le poursuit ; s’il est créancier, on retient la somme qui lui revient pour être la garantie des paiemens des autres fellahs de son village, ou de tout autre fellah qui serait débiteur. Un vaste système de solidarité embrasse toute l’Égypte, solidarité des individus du même village, solidarité des villages du même canton, solidarité des cantons de la province. En outre, les villes sont soumises à des impôts de consommation qui portent à peu près sur tout. Méhémet-Ali n’a pas non plus oublié d’imposer l’industrie ; il a