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les deux chaînes parallèles du Liban et de l’Anti-Liban, les deux versans stériles se regardent, et que les deux versans fertiles soient opposés. La Cœlé-Syrie est ainsi renfermée entre deux lignes de montagnes sèches et arides.

En approchant de Damas, et pour éviter un circuit inutile, on gravit une colline de rochers calcaires, d’une élévation médiocre, et l’on aperçoit Damas au pied des montagnes qui bordent la plaine à l’occident et au nord. Le voyageur est transporté en découvrant cette vaste oasis qui apparaît tout à coup à l’entrée d’une plaine sans limites. La ville est belle, pour une ville turque. La population est d’environ cent mille ames ; les bazars sont grands, mais presque uniquement remplis de marchandises étrangères ; l’industrie a disparu de cette ville où elle florissait autrefois. À Damas sont les plus belles maisons de l’Orient : de grandes salles revêtues de marbre blanc, avec des jets d’eau, de belles cours bien plantées, qui sont presque des jardins, y sont assez communes.

Le gouverneur de la Syrie, Cherif-Pacha, compatriote et parent de Méhémet-Ali, bon petit Turc, suivant l’expression du duc de Raguse, lui fit un fort obligeant accueil. Il lui offrit de passer en revue les troupes qui étaient à Damas, et qui étaient composées de deux régimens. Le maréchal accepta, il était curieux de voir sous les armes les troupes égyptiennes qui ont battu les Turcs. Ces troupes lui parurent avoir peu d’instruction et ne justifièrent que médiocrement l’idée qu’il s’en était formée. Cependant l’Égyptien peut devenir un excellent soldat : il est sobre, bon marcheur, brave, susceptible d’enthousiasme et plein d’amour-propre. À ce propos, le duc de Raguse, par une digression que nous recommandons aux militaires et aux hommes politiques, trace un tableau de la campagne que fit en 1832 Ibrahim-Pacha contre les Turcs. La bataille de Koniéh, où les forces de l’armée turque, qui étaient triples de celles de l’armée égyptienne, ne purent la préserver d’une entière défaite, eut un effet immense dans toute la péninsule de l’Asie : si le lendemain de la victoire, Ibrahim-Pacha eût marché sur Constantinople, son apparition à Scutari opérait une révolution, le gouvernement turc s’écroulait. Mais l’armée égyptienne perdit du temps, et l’intervention de l’Europe vint l’arrêter à Kutahiéh ; des négociations s’ouvrirent ; une division russe arriva dans le Bosphore et campa sur la côte d’Asie : le sultan fut sauvé, et le traité de Rustaich mit fin à la guerre.

Jérusalem fut, après Damas, l’objet de la curiosité du voyageur. Pour s’y rendre, il parcourut la Syrie dans toute sa longueur. Le