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VOYAGE DU DUC DE RAGUSE.

Elle a aujourd’hui une population de huit à dix milles ames. C’est l’échelle de la partie centrale de la Syrie et le port par lequel Damas, qui est la place d’entrepôt, et sert d’intermédiaire au commerce de l’Europe avec l’Asie, fait ses expéditions et reçoit ses marchandises. Le duc de Raguse n’y trouva pas populaire le nom de Méhémet-Ali, dont l’administration était l’objet d’une critique amère. La Syrie résiste au despotisme du réformateur ; l’Égypte est plus docile.

La chaîne du Liban, que se préparait à parcourir le maréchal, s’étend parallèlement à la côte. Elle prend naissance auprès de Tripoli et finit près de Saïde, l’ancienne Sidon. Les forêts de cèdres si vantées dans l’Écriture, qui servirent à construire les flottes de Tyr et le temple de Jérusalem, ont disparu. Des roches nues et âpres s’offrent partout à l’œil. Mais une population active et intelligente habite les montagnes, et les fait aussi fertiles qu’elles peuvent l’être. La population de la chaîne du Liban s’élève à quatre cent mille ames ; trois races la composent, les Ansariés, les Druses et les Maronites. Les Ansariés sont idolâtres ; les uns professent le culte du soleil, les autres celui du chien. Les Maronites sont des chrétiens séparés de l’église grecque. Les Druses mêlent ensemble quelques idées du Coran, de l’Évangile et du système de la métempsycose.

Les deux versans de la chaîne du Liban forment un contraste remarquable. À l’occident, des sources, de la végétation, des habitans nombreux, de la culture ; à l’orient, la stérilité et le néant. C’est ce versant si ingrat qui conduit à Balbek, situé au-delà de la vallée, au pied de l’Anti-Liban, et qui se dresse devant le voyageur par des ruines hautes et blanches. Une plaine immense se déroule devant l’œil. Balbek est une des plus anciennes villes de l’Asie. Dès la plus lointaine antiquité, elle possédait un temple dédié au soleil. Balbek en syriaque, Héliopolis en grec, signifient ville du soleil. L’ancien temple ayant été détruit, le nouveau fut élevé sous le règne d’Antonin le Pieux. Les inscriptions déterminaient l’époque d’une manière précise ; mais le style de l’architecture suffisait à l’indiquer. Si vous avez vu à Rome, près du Forum, ce qui reste du temple d’Antonin et de Faustine, vous connaissez les débris du temple de Balbek. Au surplus, suivant le témoignage du duc de Raguse, la description de Volney est tellement exacte, qu’elle ne laisse plus rien à dire.

La chaîne de l’Anti-Liban, qu’il faut traverser pour arriver à Damas, s’abaisse beaucoup dans cette partie et ne forme qu’un plateau élevé, sillonné par quelques ravins ; son versant oriental est incomparablement plus beau que l’autre. Il est remarquable que dans