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« Si un suppliant inconnu approche du temple, tous, frémissans de colère, font entendre un aboiement redoutable : — Tu donneras tant pour entrer ; pour pouvoir adresser une demande, tu donneras plus encore. »

Quelquefois les détails de l’allégorie satirique sont exactement les mêmes chez Rabelais et chez l’auteur de la pièce gauloise. Dans celle-ci, les collecteurs d’impôts sont représentés par des harpies. On se rappelle les apedeftes de Rabelais, aux longs doigts et aux mains crochues.

Ainsi considéré, le Querolus offre le spectacle piquant du paganisme se raillant lui-même avant de disparaître, et se raillant avec une verve de laquelle Ausone était loin d’approcher.

Je ne dirai rien de ses essais dans le genre ennuyeux par excellence, quand il n’est pas soutenu par la philosophie ou relevé par l’imagination : le genre didactique. Je ne citerai point les vers d’Ausone sur le zodiaque, sur la livre, sur l’explication d’un accouchement avant terme. Je note seulement cette direction pédantesque prise par la poésie latine, arrivée à son dernier âge ; il le faut bien pour comprendre comment le génie nouveau, la trouvant engagée dans cette voie aride, l’y suivit fréquemment. Le chantre divin de Béatrix ne manque pas une occasion de montrer qu’il possédait à fond la mauvaise astronomie et la mauvaise physique de son temps.

On ne sera pas surpris que l’ouvrage le plus remarquable d’Ausone appartienne au genre descriptif. Le triomphe de la poésie descriptive est un signe de mort pour les littératures. Quand on n’a plus rien en soi à exprimer, on demande aux objets extérieurs ce qu’on ne trouve pas dans son ame, et l’on crée ainsi une poésie purement matérielle. La poésie descriptive se montre avec tout ce qu’elle peut avoir de minutieusement exact et d’ingénieusement recherché dans le poème de la Moselle. À la suite d’un petit voyage de Mayence à Trèves, Ausone voulut peindre cette belle vallée de la Moselle où Trèves est placée.

Ceux qui ont suivi, comme notre poète, le cours très pittoresque du beau fleuve qu’il a célébré, seront frappés de la fidélité de ses descriptions. La vallée où coule la Moselle est surtout remarquable par une richesse de verdure vraiment extraordinaire. L’œil la retrouve partout, soit qu’il s’arrête au sommet des collines, soit qu’il s’abaisse au bord des eaux. Ausone insiste sur ce caractère de la Moselle, il l’appelle avec justesse et bonheur fleuve verdoyant, amnis viridissime ; il montre ses rives vertes de vignobles, et virides baccho colles ;