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AUSONE ET SAINT PAULIN.

les superstitions païennes. Ce critique distingué a cru reconnaître dans la comédie du ive siècle des allusions aux croyances et aux controverses chrétiennes. J’avoue n’avoir pu y découvrir rien de pareil ; je n’y ai trouvé que ces expressions d’une religiosité vague qui se rencontrent souvent chez les auteurs païens de cet âge, et qui étaient le produit de la contagion salutaire que le christianisme propageait hors de son sein. M. Magnin voit une sorte de confession chrétienne dans la scène où le dieu lare fait avouer à Querolus une foule de mauvaises actions et de mauvais penchans. Il me semble que, si cette scène, d’ailleurs fort plaisante, rappelle une confession, ce ne peut être que celle de Scapin.

Le rôle du mathématicien ou astrologue contient, il est vrai, un persiflage bouffon des prêtres païens et de la société païenne ; mais ces plaisanteries pleines de verve trahissent, selon moi, bien plutôt un esprit fort païen qu’un adversaire chrétien. L’auteur est un Lucien Gaulois ; c’est, si l’on veut, le Rabelais du paganisme. Il y a de singulières analogies entre les épigrammes que le mathématicien du Querolus prodigue aux prêtres et aux cérémonies de la religion expirante et celles que le curé de Meudon dirige contre le clergé romain. À la fin de Pantagruel, les évêques, les cardinaux, le pape lui-même, sont travestis grotesquement en volatiles qui portent les noms d’évesgaux, cardingaux, papegaut. De même, dans le Querolus, les prêtres du paganisme sont figurés par des oies.

« Ce sont ceux qui prient pour les hommes devant les autels. Ils interprètent tout de travers les vœux des humains ; ils disent les prières, mais les réponses ne sont jamais congrues. J’ai vu dans un temple voisin beaucoup de ces oies, et parmi elles pas un cygne. — Elles élèvent leurs têtes sur de longs cous, elles ont des ailes au lieu de mains, elles dardent leurs langues avec un triple sifflement. Dès que l’une a entonné, toutes les autres agitent leurs ailes et font un affreux vacarme. »

Ce qui achève de montrer quelle était l’intention de l’auteur, c’est qu’un des personnages finit par dire à celui qui a ainsi raillé toutes les superstitions de la société païenne : « Tu as attaqué toutes les choses saintes, omnia sacra improbasti. »

Ce n’est pas seulement au clergé païen que s’en prend le mathématicien, c’est encore aux magistrats, à tous les membres de la hiérarchie administrative de l’empire ; il les personnifie par des allégories grotesques. Ainsi, des singes (cynocephali) sont les huissiers (admissores) qui défendent la demeure des hommes puissans.