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Les derniers prix échurent à Ceccato, à Gian Antonio Bianchini et à Marini. Les deux autres Bianchini succombèrent, mais la république leur donna plus tard de l’ouvrage, lorsqu’on reconnut qu’on avait trop limité le nombre des maîtres mosaïstes. Seulement leur tâche leur fut assignée dans des établissemens où ils ne se trouvèrent plus en contact ni en rivalité avec les Zuccati, et leur haine fut à jamais réduite à l’impuissance.

xxiv.

Avant de lever la séance, le Titien exhorta les jeunes lauréats à ne pas se croire arrivés à la perfection, mais à travailler longtemps encore d’après les modèles des anciens maîtres et les cartons des peintres. — C’est en vain, leur dit-il, qu’à la vue de parcelles brillantes, unies avec netteté et figurant une ressemblance grossière avec les objets du culte, le vulgaire s’inclinera ; c’est en vain que des gens prévenus nieront que la mosaïque puisse atteindre à la beauté de dessin de la peinture à fresque : que ceux d’entre vous qui sentent bien par quels procédés ils ont mérité nos suffrages et dépassé leurs émules persévèrent dans l’amour de la vérité et dans l’étude de la nature ; que ceux qui ont commis l’erreur de travailler sans règle et sans conviction, profitent de leur défaite, et s’adonnent sincèrement à l’étude. Il est toujours temps d’abjurer un faux système et de réparer le temps perdu.

Il entra dans un examen détaillé de tous les ouvrages exposés au concours, et en fit ressortir les beautés et les défauts. Il insista surtout sur les fautes du Bozza, après avoir donné de grands éloges aux belles parties de son œuvre. Il reprocha au visage de saint Jérôme le caractère disgracieux des lignes, une certaine expression de dureté qui convenait moins à un saint qu’à un guerrier païen, un coloris de convention privé de vie, un regard froid, presque méprisant. — C’est une belle figure, ajouta-t-il, mais ce n’est pas saint Jérôme.

Le Titien parla aussi des Bianchini et tâcha d’adoucir l’amertume de leur défaite en louant leur travail sous un certain point de vue. Comme il avait coutume de mettre toujours la dose de miel un peu plus forte que celle d’absinthe, après avoir approuvé la partie matérielle de leurs ouvrages il essaya d’en louer aussi le dessin ; mais au milieu d’une phrase un peu hasardée, il fut interrompu par le Tintoret, qui prononça ces paroles consignées dans les pièces du procès-verbal :