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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

inspirés ; il a bien fait de se confier dans ses forces, et de ne pas reculer devant les difficultés d’une pareille tâche. Il a cru que l’originalité était possible, même en parlant de l’Italie, et son espérance n’a pas été déçue ; car Il Pianto est un des poèmes les plus beaux de notre langue, et en même temps une des créations les plus personnelles que nous ayons lues depuis long-temps. Rien de singulier, rien qui étonne, mais une harmonie calme et sévère, qui rappelle la grande manière des poètes et des peintres de l’Italie. L’Italie, en effet, enseigne à ceux qui l’étudient sérieusement, par les lignes mêmes de son paysage, par la clarté de son ciel, par les monumens et les ruines dont elle est semée, une simplicité de style que l’artiste chercherait vainement ailleurs ; et cet enseignement, une fois gravé dans l’ame du poète, s’efface difficilement. Lors même que la patrie de Virgile et de Raphaël ne pourrait pas inspirer à l’imagination des chants nouveaux et glorieux, lors même qu’il serait défendu d’inventer, de produire sa pensée sous une forme individuelle et inattendue, en peignant les grands horizons de la campagne romaine, il serait encore profitable d’étudier l’Italie et de la chanter ; car ce n’est assurément pas une chose indifférente que d’acquérir un style simple et grand, une manière pleine de noblesse et de grace, qui, plus tard, pourra s’appliquer à toutes les œuvres de la fantaisie. Il est probable qu’en partant pour l’Italie, M. Barbier avait la même opinion que nous ; mais, dans tous les cas, quelle que fût sa pensée à l’heure du départ, il est impossible qu’en écrivant le Pianto il ne soit pas arrivé aux mêmes conclusions. Chaque jour il a dû sentir que sa manière s’agrandissait et se rapprochait de plus en plus de la grace antique ; chaque jour il a dû se féliciter de l’épreuve à laquelle il s’était résolu, car cette épreuve, en même temps qu’elle pouvait devenir glorieuse, était, à coup sûr, instructive et féconde. Que la popularité accueillît ou dédaignât le Pianto, M. Barbier était sûr désormais de trouver, dès qu’il le voudrait, la grandeur simple et naïve, et cette assurance était par elle-même une assez belle conquête.

La division du Pianto est habile et heureuse. Quoiqu’il n’y ait pas entre les diverses parties de ce poème un enchaînement évident et rigoureux, cependant il est facile de concevoir comment le poète passe de l’art catholique de Pise aux ruines païennes de Rome, comment le spectacle de l’art dégradé le conduit à méditer sur la liberté déchue, sur Naples insouciante et asservie, et enfin, à s’apitoyer sur la profanation de l’amour dans les orgies vénitiennes. Si