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génieuse, d’originale et savante culture. Comme critique, il s’abandonne quelquefois à une bienveillance un peu prompte ; il s’attache et prête foi aux livres un peu trop indépendamment de la connaissance personnelle des auteurs ; il est plutôt porté d’abord à surfaire, à force de se croire moindre. Érudit bibliographe, il prétend par momens, comme Nodier, que c’eût été là sa vocation. Il y a donc, sous sa régularité excellente de style et de doctrine, bien des accidens piquans, divers, qui font de lui un homme plein de détails fins à peindre, et qui doivent être charmans à goûter.

M. Vinet, dans la littérature française, émane surtout de Pascal, sa haute admiration, son grand modèle. Il se rapprocherait beaucoup de Duguet pour la manière et le tour modéré, suivi, fin et rentré, si Duguet avait été plus littérateur. Il a donc assez des habitudes littéraires des écrivains de Port-Royal (et jusqu’à leur goût de l’anonyme), comme il a beaucoup de leurs doctrines religieuses. Dans son précis, il a écrit sur Quesnel une phrase de vif éloge, qui semble indiquer qu’il n’a pas été étranger à l’heureux choix des pensées de cet auteur, que le Semeur a publié. Mais c’est par la doctrine de charité, d’amour de Dieu, et non par l’esprit de secte, qu’il communique de ce côté. Non plus seulement comme littérateur, mais aussi comme figure évangélique et ami de Fénelon, on me permettra encore de le trouver comparable, par son mélange de dialectique et d’onction, par sa vivacité dans la douceur, par sa modestie et sa délicatesse promptes à se dérober, par sa fuite de l’éclat, de l’effet et peut-être aussi de l’occasion, par sa santé même, à un homme si aimé et si goûté de ceux qui l’ont approché, à un écrivain plus distingué que proclamé, à notre abbé Gerbet.

Les Discours religieux, réunis au nombre de vingt-cinq, offrent comme un cours complet des vérités évangéliques, déduites dans une méthode tout intérieure. L’impression (et je ne parle d’abord que de l’impression humaine, philosophique et littéraire) qu’on en retire, est celle de quelque chose d’aimable, de modéré, de sensé et d’accessible ; tout y est simple, sans un ornement ni une digression de luxe, et allant droit au but. Le vif seul des observations morales, ou le touchant des prières qui terminent, ressortent par instans. Ce genre mixte, plus psychologique qu’oratoire, me représente assez ce que des hommes comme MM. Jouffroy ou Damiron diraient, s’ils étaient pasteurs évangéliques, et parlant à des chrétiens assemblés, non sous les voûtes d’une cathédrale, mais dans une chambre. Il n’y a rien là de Bossuet ; il y a encore beaucoup de Pascal, mais d’un