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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

ce que l’Angleterre a de bon, c’est-à-dire le gigot aux légumes, le saumon grillé, le jambon rôti, le roast-beef saignant, le plumpudding, et tous les autres puddings où elle excelle. Sa cuisine, moitié française, moitié anglaise, charmait bien des heures du voyage, de ces heures où la mer paraît si monotone dans son uniformité, que le dos d’un poisson entrevu au passage est une distraction et presque un évènement.

L’économie politique et l’économie domestique sont sœurs, de nom du moins ; sir Thomas partageait ses loisirs entre l’une et l’autre. Il eût voulu faire dîner le peuple comme il faisait dîner ses amis ; et quand on avait levé la nappe et servi les flacons de sherry, de porto, et le Champagne, tout en absorbant méthodiquement rasades sur rasades, il développait à ce sujet de magnifiques théories dont Say et Bentham eussent été jaloux.

Glasgow, voisine d’Édimbourg, a des habitudes d’esprit tout-à-fait opposées. Glasgow, en effet, n’est pas une ville intellectuelle et savante comme Édimbourg. Glasgow a perfectionné l’invention de la vapeur ; mais elle n’a pas, comme Édimbourg, dix-huit revues ou magazines et quatorze journaux[1], quoique cependant elle ne manque ni de journaux ni de revues. Différant en cela des Athéniens du Mid-Lothian, ses habitans préfèrent la table de Pythagore à l’art poétique de Pope et à la rhétorique de Blair. Les discussions des clubs ne roulent guère que sur le commerce et la politique ; la science ne s’y montre que comme l’auxiliaire et la très humble servante de l’industrie, et les femmes, même celles du quartier neuf, n’ont pas encore chaussé les bas bleus. Ces dames, en s’abordant, s’occupent des dernières nouvelles commerciales de Delhi ou de Calcutta, du prix des tissus de Cachemire, des foulards de l’Inde et du thé de la Chine, avec un intérêt aussi vif que les blue-stockings d’Édimbourg s’occupent du dernier ouvrage de Chambers ou de Chalmers, et des magazines de Blackwood, de Tait ou autres. Les hommes, tout en écoutant les dames, consomment prodigieusement de rhum ou de wiskey ; et, par le temps qui court, leur conversation, quand elle cesse d’être commerciale, ne roule guère que sur la réforme, le chemin de fer, le télégraphe électrique, ou la politique militante, quand il est question d’une tournée d’O’Connell ou d’un dîner donné à Peel.

Sir Thomas, comme tous ses compatriotes, avait une connaissance approfondie des chiffres et un grand respect pour eux : il avait fait fortune avec leur aide, et il professait pour l’addition et la multiplication bien entendues une sorte d’adoration qu’on eût pu comparer à celle des Juifs pour le

  1. Edinburgh Review, Blackwood’s Magazine, New Scott Magazine, Tait’s Magazine, Scottish Register, Presbyterian Review, the Edinburgh philosophical Review, the Phrenological Review, et une dizaine d’autres publications s’occupant d’objets spéciaux, tels que la médecine, l’agriculture, la théologie, etc. — Journaux quotidiens, journaux paraissant plusieurs fois la semaine ou une fois la semaine : Edinburgh Evening Courant, Caledonian Mercury, Edinburgh Gazette, Edinburgh Advertiser, the Edinburgh Observer, the Scotsman, North-British Advertiser, Aikman’s-Advertiser, the Saturday-Evening-post, the Patriot, Weekly Journal, Weekly Chronicle, et deux ou trois autres petits recueils spéciaux.