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des tombes divines, comme des soldats à la suite de leurs généraux ; puis, en face, un cimetière et une église de village. L’humble paysan de l’Upland vient s’y prosterner le dimanche, et à la place où l’on immolait jadis les victimes humaines, le prêtre prêche la loi de charité et de pardon.

Le chapitre d’Upsal avait d’abord fait de cette église sa métropole ; mais elle fut brûlée encore, et comme le catholicisme avait grandi, on résolut de bâtir une cathédrale digne du premier diocèse de la Suède. C’était au xiiie siècle, dans ce temps où la foi enfantait des miracles, où les colonnes de pierre, les chapiteaux à fleurs, les tours ciselées s’élançaient dans les airs, comme pour porter au ciel les vœux d’un peuple. Tout le pays se dévoua à l’entreprise sainte qui lui était proposée, et les papes qui, du milieu de Rome, veillaient aux intérêts de la chrétienté, les papes vinrent au secours du clergé suédois. Boniface VIII et Clément V accordèrent des indulgences à tous ceux qui contribueraient à ériger l’église d’Upsal. Les grands apportèrent leurs offrandes, et le peuple promit de se mettre à l’œuvre. Il ne manquait plus qu’un architecte. On choisit un Français. C’est un Français, Étienne de Bommeil, qui a bâti la cathédrale d’Upsal. On le fit venir de Paris en 1287, et il amena avec lui dix compagnons et dix maîtres (tex compaignons et tex bachelers). Dans ce temps-là, les architectes les plus renommés n’avaient pas encore appris, avec l’art de construire des édifices, l’art de s’enrichir. Le pauvre Bommeil, appelé en Suède par un clergé métropolitain, n’avait pas assez d’argent pour faire son voyage et emmener ses compagnons. Deux étudians suédois, qui se trouvaient alors à Paris, lui prêtèrent quarante livres, qu’il s’engagea à leur rendre sur sa foi de Bommeil, taillieur de pierres, maistre de faire l’église de Upsal, en Suèce.

L’église fut commencée à la fin du xiiie siècle, et consacrée en 1435, en présence des princes, des comtes, des évêques. J’y ai cherché vainement quelque trace d’Étienne de Bommeil. Notre compatriote a été plus modeste qu’Ervin de Steinbach, Adam Krast, Pierre Vischer. Il a édifié l’œuvre qui lui était confiée, et n’y a pas placé sa statue et n’y a pas inscrit son nom.

Le style de la cathédrale d’Upsal est remarquable par son élégance et sa simplicité. C’est le vrai style gothique dans sa noblesse et sa majesté primitive, l’ogive toute nue, le faisceau de colonnettes s’élançant librement jusqu’à la voûte. Point de figures emblématiques sur les chapiteaux, point de rosaces aux fenêtres ; partout la ligne pure, correcte, sans entrelacemens et sans arabesques. La voûte du milieu est large et élevée, et les arceaux qui la soutiennent sont dessinés avec une grace parfaite. Les nefs latérales renferment les tombeaux des rois et celui de sainte Brigitte, qui appartenait à l’une des plus anciennes familles de Suède[1]. Dès le xiiie siècle, les rois de Suède se faisaient couronner à Upsal[2]. Ils revenaient ensuite avec le lin-

  1. Son excellence M. le général comte de Brahe, qui dirige avec une rare habileté l’administration militaire en Suède, est aujourd’hui le chef de cette famille.
  2. Ulrique, Éléonore et Christine y furent couronnées, non comme reines, mais comme rois, et c’est dans une des salles du château d’Upsal que Christine abdiqua la couronne.