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LES UNIVERSITÉS SUÉDOISES.

étaient dorées ; et dans l’enceinte du temple, on apercevait l’image des trois grands dieux : Thor, Odin, Freyr. Thor était assis au milieu, sur un large coussin, tenant à la main une longue épée. À côté de lui, on avait représenté sept étoiles. À droite était Odin, le dieu de la guerre ; à gauche, le dieu de l’amour et des mariages. On conserve encore aujourd’hui à la bibliothèque d’Upsal une statue mutilée de Thor. Elle ressemble à ces images informes que les premiers missionnaires chrétiens trouvèrent chez les sauvages de l’Amérique.

Le peuple offrait à ces terribles divinités des sacrifices de sang. Ordinairement c’étaient des boeufs, des brebis, des chevaux ; mais dans les circonstances graves, dans les temps de guerre ou de calamité publique, on immolait des hommes, d’abord les prisonniers, puis les hommes libres, et si le dieu cruel ne s’attendrissait pas, on lui offrait le sang des rois. Dans une année de disette, le roi Heidruk tua religieusement son beau-père et son beau-frère. Quand un de ces malheureux était choisi pour victime, le prêtre lui promettait les joies éternelles du Valhalla ; puis il lui disait : Je te voue à Odin, et le pauvre Scandinave marchait à la mort sans crainte et rendait grace à ses bourreaux.

Le peuple cherchait dans ces holocaustes un présage pour l’avenir. Si la fumée du sacrifice s’élevait tout droit vers le ciel, c’était un signe de succès. Si, au contraire, elle restait comme un nuage suspendu sur la terre, c’était un pronostic de malheurs. Les prêtres exerçaient dans ces occasions une autorité souveraine. Leur parole était écoutée comme un oracle, et leur sentence pouvait faire tomber au pied de l’autel la tête des rois.

Près du temple était la colline où l’on enterrait les guerriers avec leurs armures. Mais les grands de la nation et les riches se faisaient construire des tombeaux particuliers, où l’on ensevelissait avec eux tout ce qu’ils avaient de plus précieux. Niordsson, un des rois d’Upsal, éleva une colline plus haute que toutes celles qui avaient servi à la sépulture de ses prédécesseurs. Il y fit percer trois fenêtres, et quand il mourut, on ferma l’une de ces fenêtres avec de l’or, la suivante avec de l’argent, la troisième avec du cuivre. C’est dans ces collines sépulcrales dispersées à travers l’Upland, la Scanie, le Seeland, le Jutland et le Holstein, que l’on a trouvé tous les instrumens de guerre, les bracelets de cuivre, et les colliers qui ont enrichi les musées de Kiel, de Lund, de Stockholm, et celui de Copenhague, le plus beau de tous.

En 1075, le temple d’Upsal fut détruit par un incendie. Il n’en resta que les murs. S’il n’avait eu à subir que les ravages du feu, on eût pu le voir reparaître encore avec sa vaste enceinte, ses murailles dorées et ses statues de dieux. Mais c’en était fait des croyances païennes. Les missionnaires anglais avaient apporté en Suède le dogme du christianisme, et le peuple l’avait adopté. La pierre des sacrifices fut abolie, et le dieu du Valhalla fut chassé de son temple. Aujourd’hui, quand on cherche la vieille ville de Freyr, on aperçoit les trois collines où l’on dit que les dieux scandinaves ont été enterrés, quelques tertres de gazon moins élevés et rangés, à la suite