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elles aperçurent leur pasteur, elles se levèrent avec respect et s’approchèrent de lui pour lui baiser la main. Mais la mère de famille nous montra sa demeure, son jardin, et nous apporta dans un vase d’étain le lait qu’elle venait de traire.

Le soir nous nous en revînmes à travers les champs couverts de blé, et les pommiers chargés de fleurs. Le ciel était bleu comme un ciel du midi. Le soleil couchant projetait ses derniers rayons sur les vagues de la mer. Tout était calme, riant, et mes compagnons de voyage chantaient dans la voiture les ballades du Folk-Visor. À notre arrivée, l’un des professeurs trouva sa femme qui l’attendait sur la porte, et son enfant qui vint se jeter dans ses bras. Dans l’espace de quelques heures, toutes les joies avaient été réunies pour lui : joies de la religion, joies de la science, joies du cœur. Si alors une destinée humaine m’a paru digne d’envie, c’est celle d’un professeur de Lund qui a une cure à la campagne.


ii. — upsal.

La route qui va de Stockholm à Upsal passe par une forêt de sapins mystérieuse et imposante, qui semble avoir été plantée auprès de la vieille école de Suède, pour protéger le sanctuaire des muses. À l’extrémité de la forêt, on aperçoit le château, jadis résidence des rois, aujourd’hui habité par le gouverneur de la province. Le château est bâti au-dessus d’une colline. La ville est au bas, dans une large plaine ouverte comme le champ de la science. Elle est construite en bois, comme la plupart des villes de Suède, alignée au cordeau et traversée par une rivière dont le nom se trouve dans tous les discours académiques et toutes les idylles ou élégies des poètes de l’Upland. Les maisons de cette ville ne sont pas anciennes. L’incendie les a détruites l’une après l’autre plus d’une fois, et le bourgeois les a reconstruites sur un nouveau modèle. Mais à une demi-lieue d’ici, on trouve encore les restes d’un lieu célèbre dans les annales du Nord. C’est le vieil Upsal. Odin y habita, dit-on ; il y fit élever un palais et le donna à Freyr. C’était là que se tenaient les assemblées populaires, les séances de l’Althing, véritables comices démocratiques, où le peuple soutenait vaillamment ses droits. Dans ces séances, le roi s’asseyait avec quelques-uns de ses principaux compagnons sur un banc élevé. À côté de lui, sur un autre banc, étaient les jarl et le logmann (l’homme de la loi). La foule se groupait autour d’eux. Le roi parlait le premier. Les hommes qui l’environnaient pouvaient parler après lui, et le peuple témoignait son approbation en criant et en frappant des mains.

Freyr habita, comme Odin, dans le vieil Upsal et y fit ériger un temple. C’était un édifice de cent vingt pieds de longueur sur cent vingt de largeur. Il était entouré d’une muraille épaisse, construite en forme de croix, et l’on y entrait par vingt-quatre portes[1]. Au dehors et au dedans, les murailles

  1. Perinkskiold, Monumenta Uplandice.