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Quand les plans de l’architecte Barry[1] pour les nouvelles salles du parlement furent soumis à quelques-uns de ses membres, Peel indiqua un défaut dans ces plans ; il n’y avait, dit-il, qu’une entrée à la chambre des communes ; l’architecte avait oublié une porte particulière pour ceux qui désireraient entrer ou sortir sans être aperçus. Cette remarque montre le point de vue sous lequel Peel est habitué à se considérer ; il se croit le ministre choisi par le destin pour lutter contre la violence populaire, et pour la vaincre ou périr.

Il est, sans aucun doute, homme de courage personnel ; attentif à ne pas offenser les autres dans ses discours, il est remarquablement prompt à sentir l’offense dirigée contre lui. Entend-il un mot qui paraisse impliquer une imputation personnelle, il sort avec l’agresseur, et, sans perdre le temps en paroles, débute par un cartel sous la forme d’une demande positive d’explications. Il a ainsi provoqué je ne sais combien de ses adversaires politiques ; je me rappelle particulièrement O’Connell, Lushington et Hume ; cependant je ne sache pas qu’il se soit jamais battu en duel. Chacune de ces provocations s’est terminée par des explications verbales, et il n’y a pas une seule de ces querelles qui mérite d’être racontée.

Je passe avec rapidité sur les évènemens des années suivantes, afin d’arriver à l’époque la plus remarquable de la vie de sir Robert Peel. Après la retraite de lord Grey, en 1834, lord Melbourne avait pris les rênes du gouvernement ; mais son ministère était faible et presque désorganisé par les querelles sérieuses qui avaient récemment éclaté entre ses principaux membres. Au mois de novembre de la même année, par la mort de lord Spencer, lord Althorp, son fils, qui avait jusque-là conduit les affaires du ministère dans la chambre des communes, fut appelé à la chambre haute. Dans cette conjoncture, il fut très difficile de le remplacer. Le ministère n’osait appeler un réformiste radical qui l’eût entraîné, et dans le parti modéré il n’était pas aisé de trouver un homme qui eût assez de talent et qui inspirât au public assez de confiance. Lord Melbourne fit quelques propositions au roi, mais elles ne furent pas bien reçues. Le souve-

  1. Après l’incendie des deux chambres du parlement en 1833, un concours fut ouvert entre tous les architectes du pays pour la reconstruction de l’édifice. Un comité de quelques membres fut nommé pour prononcer. Les plans de M. Barry furent préférés et jugés très supérieurs aux autres. Malgré plusieurs intrigues pour lui ravir le fruit de son succès, et rouvrir le concours, ses plans sont maintenant, je l’espère, définitivement adoptés. La dépense sera énorme ; mais nous ne sommes pas pressés par le temps, et il serait beaucoup plus sage d’imiter l’exemple de la France et de consacrer plusieurs années à élever un édifice qui puisse enfin être digne de la nation, que de construire à la hâte et à peu de frais un bâtiment sans grandeur et sans goût, comme cela arrive trop souvent dans nos travaux publics.