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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

veur de la constitution britannique, le lecteur serait étonné de l’instabilité de l’opinion publique dans ce pays d’Angleterre, où les partis et les haines de l’esprit de parti ont une vie si tenace.

Il est certain que Peel eut beaucoup à souffrir des ressentimens que sa défection souleva contre lui. De toutes les imputations auxquelles il fut en butte, celle qu’il combattit le plus énergiquement fut d’avoir fait à sa place le sacrifice de son opinion. Le fait est que le duc de Wellington, profondément indifférent à l’opinion populaire, se décida personnellement à l’accomplissement de cette réforme, dès qu’il l’eut jugée nécessaire ; Peel hésita et flotta long-temps. Il offrit de prêter au duc de Wellington son assistance hors du ministère ; mais il demeura long-temps sans pouvoir se résoudre à participer comme ministre à l’acte d’émancipation. La veille du discours de la couronne, il donna réellement sa démission, mais fut rappelé par les vives instances de ses collègues. Cependant, quand la bataille fut engagée, il se conduisit avec courage et dignité. Je l’ai déjà dit, les luttes qu’il eut à soutenir dans cette occasion enhardirent son esprit et mûrirent ses facultés oratoires. Bien des jours se passèrent avant qu’il recouvrât la confiance de son parti, mais son talent grandit dans l’estime de tous.

Je passe sur l’histoire du ministère Wellington, et je me borne à remarquer que, durant ce ministère, Peel, en qualité de secrétaire d’état au département de l’intérieur, établit la police de Londres. Avant cette époque, notre sûreté était confiée à une force languissante, à une sorte de garde civique organisée par les paroisses et placée sous leur contrôle. La réforme introduite par Peel, malgré ses nombreux avantages, fut vivement combattue comme un empiétement sur nos libertés ; et, en effet, on peut se demander avec raison si ce ne fut pas le premier pas vers ce système de centralisation qui paraît devoir tôt ou tard engloutir le reste des institutions municipales de notre pays, comme il l’a déjà fait ailleurs.

La chute du ministère Wellington, en novembre 1830, loin de diminuer l’autorité de Peel dans la chambre des communes, l’augmenta considérablement. Cet évènement le réconcilia sur-le-champ avec la plus grande partie des tories qui, depuis 1829, s’étaient éloignés de lui. Ils le voyaient bien encore avec défiance, et ne consentirent pas sans difficulté à le reconnaître comme leur chef dans la guerre qu’ils faisaient à l’armée envahissante des réformistes ; mais ils furent forcés de se soumettre à la destinée qui le désignait comme le chef inévitable de leur parti, composé d’hommes rarement