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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

du parlement, où elle est sans cesse attaquée à tout propos ; car ce n’est pas une mesure populaire, et quelque jour peut-être, l’opinion qui la condamne triomphera des argumens de sir Robert Peel et du parti des économistes.

L’adresse de sir Robert à glisser entre les écueils de la politique, sans y heurter sa barque, ne s’est jamais plus heureusement exercée qu’en 1820, pendant la méchante affaire de la reine Caroline. Malgré les sollicitations pressantes du ministère, il refusa les fonctions élevées qu’on lui offrait, et désapprouva hautement le scandaleux procès intenté contre cette princesse. Mais en diverses conjonctures, il vint en aide aux ministres, s’efforça d’adoucir l’indignation populaire que leur conduite avait excitée, et sut éviter soigneusement de se compromettre avec l’un ou l’autre des deux partis, en leur prêtant à tous deux une certaine assistance.

Enfin, affranchi de l’impopularité que le gouvernement de lord Liverpool avait encourue par ce malheureux procès, il consentit à accepter des fonctions publiques lorsque la tempête fut apaisée. En 1822, après la démission de lord Sydmouth, il devint secrétaire d’état au département de l’intérieur, et garda ce portefeuille, sauf une très courte interruption, pendant plus de huit années. C’est dans ce ministère qu’il s’est acquis la meilleure partie de sa célébrité, comme administrateur et comme homme d’état. Depuis 1822, ainsi que nous l’avons dit, il fut considéré comme le champion du parti tory, tandis que Canning, placé au département des affaires étrangères, conduisait le parti opposé dans ce cabinet mixte que présidait lord Liverpool. On suppose généralement que les ministères composés de différens partis ont peu de solidité ; mais l’expérience récente que l’Angleterre en a faite semblerait condamner cette opinion. Nos ministères les plus durables ont été ceux dans lesquels on n’avait pas cru nécessaire de soumettre l’ensemble du cabinet à un accord absolu sur tous les points même de première importance.

Dans la première partie de sa vie ministérielle, Peel conquit surtout l’estime publique par plusieurs modifications apportées à la législation criminelle. Cependant, il ne faut pas s’y tromper, les modifications qu’il a introduites dans cette branche de jurisprudence, n’allaient pas jusqu’à en améliorer les principes. Pour tout ce qui a été fait dans ce sens depuis quelques années, le pays ne doit absolument rien à Peel. L’abolition de la peine de mort, pour un grand nombre de délits, et les réformes opérées dans notre système de pénalité secondaire, n’ont rencontré chez lui qu’indifférence ou opposition,