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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

qui s’effacent de jour en jour. Désormais on ne pourra plus vouer ainsi d’avance au service du pays de jeunes talens et de beaux noms, dans les hautes fonctions publiques. Maintenant, pour être appelé au ministère, il faudra passer par toute une filière d’épreuves, et conquérir par soi-même, par ses talens ou son caractère, une grande position dans un parti. C’est plus juste sans doute et plus rationnel. Mais ne condamnons pas trop vite l’ancien système. Il a produit Pitt, Fox, Canning et Peel, qui sont tous entrés de bonne heure dans la vie publique, chacun par l’intervention de sa famille ou d’un haut patronage, sans avoir fait leurs preuves et sans aucun effort personnel. Quand la révolution survenue à cet égard dans nos mœurs politiques nous aura directement valu de pareils hommes, alors seulement il nous sera permis d’être sévères envers le passé. En 1810, Peel était déjà au parlement. Les richesses de son père lui avaient assuré sa nomination à la chambre des communes, par un petit bourg irlandais. En 1812, il devint secrétaire au département de l’Irlande, sous le ministère de lord Liverpool, qui succéda cette année à celui de M. Perceval. Ainsi, à vingt-quatre ans, il fut investi d’un des offices les plus importans de l’état ; car tandis que le lord-lieutenant d’Irlande joue le rôle de roi dans ce pays, le premier secrétaire est tout à la fois son premier ministre dans cette île, et le défenseur, au parlement, de ses actes et de sa politique. C’est à lui qu’appartiennent réellement les détails du gouvernement de l’Irlande. Peel s’occupa activement de combattre et d’anéantir, autant que possible, les tendances insurrectionnelles qui avaient survécu aux catastrophes de 1798 et de 1804 ; il est surtout célèbre en Irlande par l’organisation de la police, sorte de gendarmerie qui ressemble plutôt à celle de France qu’à celle d’Angleterre ; les membres de ce corps s’appelaient et s’appellent encore généralement peelers parmi les paysans ; il parla beaucoup et souvent au parlement sur les questions irlandaises, et prit alors, contre l’émancipation catholique, ce parti décidé auquel il s’est tenu jusqu’à une époque récente. En 1818, il représenta pour la première fois au parlement l’université d’Oxford. On sait que les deux universités anglaises envoient chacune au parlement deux membres élus par tout le corps des gradués, résidant ou non, corps qui comprend naturellement la meilleure partie de la science et de la haute éducation du pays. Aussi, ces siéges qui ont l’avantage de ne pas coûter un schelling à celui qui les occupe, sont-ils recherchés avec empressement par quelques-uns des hommes les plus éminens du pays. À cette époque on accusait les deux universités anglaises de faire une cour