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quez pas de cœur, avant six mois vous ferez au plus haut du plafond de la basilique un grand diable jaune qui rira plus haut que tous les autres et qui vous vaudra cent ducats d’or.

En parlant ainsi, il se glissa parmi les arbres embaumés ; et le Bozza, foulant d’un pas mal assuré les bordures de thym et de fenouil, le suivit tout tremblant, comme s’il se fût agi de commettre un crime.

x.

Le lendemain, on vit le Bozza dans l’école des Bianchini, travaillant avec ardeur à la chapelle de Saint-Isidore. Francesco, à qui son frère avait raconté avec exactitude la scène de la veille, fut si profondément blessé de cette conduite, qu’il pria Valerio de ne faire aucune nouvelle tentative pour en connaître les motifs. Il en souffrit en silence, et ressentant plus vivement une injure faite à son frère bien-aimé que si elle se fût adressée à lui seul, ne concevant pas qu’on pût résister à la franchise et à la bonté d’une explication donnée par Valerio, il feignit de ne pas voir le Bozza, et passa près de lui, à dater de ce jour, comme s’il ne l’eût jamais connu. Valerio, qui savait combien son frère avait à cœur de terminer sa coupole, et qui voyait en lui l’inquiétude causée par l’abandon du Bozza, résolut de mourir à la peine plutôt que de ne pas surmonter cette difficulté. Francesco était d’une santé délicate ; son ame fière et sensible était obsédée de la crainte de manquer à ses engagemens. Il ne s’agissait plus là seulement de sa gloire d’artiste, gloire à laquelle il se reprochait d’avoir trop songé, puisqu’il se trouvait en retard pour le travail matériel ; il s’agissait de l’honneur ; il n’ignorait pas les intrigues déjà tentées par les Bianchini pour noircir sa réputation. Lorsqu’il avait accepté cette énorme tâche, son père, la jugeant trop considérable pour les trois années auxquelles elle était limitée, avait essayé de l’en détourner. Le Titien, jugeant que la vie dissipée de Valerio et la mauvaise santé de l’autre rendaient cette exécution impossible, leur avait conseillé plusieurs fois de se réconcilier avec les Bianchini et de demander aux procurateurs un nouvel arrangement. Mais les Bianchini, qui dans le principe avaient fait partie de l’école de Francesco, avaient peu de talent et un insupportable orgueil. Pour rien au monde, Francesco n’eût voulu leur confier un travail entrepris et conduit avec tant de soin et d’amour.

Pour s’expliquer l’importance que ce maître attachait à ne pas être