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REVUE LITTÉRAIRE.

À défaut de mérite littéraire, on justifie étrangement les libéralités académiques. Il faut, dit-on, alimenter la vieillesse épuisée, développer les talens embryonnaires, ou bien compléter la rétribution insuffisante des travaux obscurs. En admettant ce système, on arriverait infailliblement à constituer une sorte d’inviolabilité en faveur de toutes les impuissances. L’Académie aura fort à faire, si elle consent à devenir un bureau de secours. C’est au pouvoir qu’il appartient de soutenir les lettres. Un corps littéraire, digne de sa haute mission, ne doit considérer que l’intérêt de la littérature. Ne serait-il pas temps qu’une plume indépendante appelât l’attention du pouvoir et de la société sur l’organisation présente de l’Académie française, sur l’emploi des revenus dont elle dispose, sur les causes qui retiennent en dehors de ses concours tous les esprits vraiment distingués de l’époque ? Mais nous concevons que la critique recule devant l’accomplissement d’un tel devoir. La vieille fille de Richelieu est elle-même une de ces personnes dont nous venons de parler, et que l’âge a rendues en quelque sorte inviolables. Pour lui dire toute la vérité sans encourir le reproche d’irrévérence, il faudrait posséder le secret des ménagemens habiles, le tact délicat et la transparence d’expression que nous ne nous lassons pas d’admirer chez M. Villemain.


Revue Littéraire.

Mme Charles Reybaud, par la publication du Château de Saint-Germain, qu’elle signe de son nom, s’est dépouillée du pseudonyme sous lequel elle avait caché le succès de Pierre et du Renégat, ses deux romans de début.

Le Château de Saint-Germain cotoie l’histoire plus qu’il ne l’aborde. Ce n’est pas, à proprement parler, un roman historique. Voici le gros de la fable. Nous sommes en Provence. Julio Mazzara, qui sera plus tard le cardinal de Mazarin, s’est introduit dans le château du baron de Cadenet sous un prétexte de visite. Mazzara n’a pourtant pas d’autre but que de s’emparer d’un acte qu’il sait en la possession du baron, et qui prouve la participation de Gaston, le frère du roi, au fatal complot que Montmorency a payé de sa tête. Richelieu lui-même a confié à son agent cette mission, qui tient moins du savoir-faire que de la filouterie.

Tout en couvant son projet et guettant l’occasion, l’Italien prenait agréablement patience. Dans le château du baron vivait sa nièce et son héritière, Laure de Novès, descendante de l’illustre Laure de Pétrarque. Laure de Novès est fiancée au comte de Bormes, qu’elle aimait à peine, et qu’elle n’aime plus depuis que sa faiblesse a subi l’autorité du regard séducteur de Mazzara. Cependant le comte ne cédera pas à l’étranger la femme qui lui est promise. Il prend à part l’Italien, et le somme de se battre ou de quitter la place. L’alternative est dure ; mais Mazzara n’est pas né brave : il partira. Ce ne sera pas au moins sans s’être vengé sur l’innocence de l’affront qu’il est contraint de dévorer. Lorsqu’il s’éloigne, Laure porte dans son sein un fruit de l’amour qui a triomphé de sa vertu.

Plusieurs mois se sont écoulés. Le baron est mort. Le comte de Bormes presse Laure de conclure le mariage arrêté. Que fera-t-elle ? Elle a trop de générosité pour tromper le comte et lui donner une main qui n’est plus pure. Dans son désespoir, elle ne songeait plus qu’à se tuer. Une de ses servantes lui