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contre son peuple ? s’est-on entendu sur ce qu’il y aurait à faire, si la diète de la confédération germanique était saisie de la question, à titre de garante des constitutions allemandes ? L’ex-duc de Cumberland a si mauvaise réputation comme homme en Europe, que ses actes comme souverain, quand même ils flatteraient certaines passions, doivent y rencontrer fort peu de sympathie. Aussi l’a-t-on blâmé tout d’abord de cette mesure violente et dangereuse. Il est certain, d’ailleurs, qu’on ne l’a pas conseillée. Elle porte le cachet de son caractère, et il en a toute la responsabilité aux yeux de l’Allemagne. Mais si le Hanovre se résignait tranquillement, si quelque transaction, plus ou moins constitutionnelle, rendait à l’aristocratie toutes ses prérogatives, on n’en serait pas fâché à Berlin et à Vienne. Ce serait d’un bon exemple, et cet acte de casse-cou politique serait légitimé par le succès. Cependant, qu’on y prenne garde : la résignation du Hanovre ne prouverait rien, et l’expérience serait à refaire ailleurs pour être concluante ; car il ne faut pas se faire illusion sur l’état des choses et de l’opinion en ce pays. Il est vrai de dire que la constitution de 1833 n’y avait pas jeté de profondes racines, que l’aristocratie, encore très puissante, ne l’avait subie qu’à regret, que la bourgeoisie n’est pas fortement organisée, que le peuple à peine sorti des liens féodaux, que les paysans à peine émancipés n’y prennent aucun intérêt, et par-dessus tout, que la masse entière de la population, sans distinction de classes, est trop contente d’avoir son roi à elle, son souverain résidant au milieu d’elle, son gouvernement tout-à-fait national, pour ne pas beaucoup pardonner à ce roi et à ce gouvernement. Le duc de Cumberland y a bien compté ; on ne saurait en douter. Son plan était arrêté d’avance ; il avait répété son rôle, et l’a joué, en effet, avec une assurance, un aplomb, une fidélité, qui attestent de consciencieuses études. À peine arrivé dans sa capitale, ses premières caresses ont été pour l’armée ; il a réuni autour de lui tous les officiers et généraux qui se trouvaient à Hanovre, leur a prouvé qu’il connaissait leurs services, leurs désirs, leurs intérêts, leur a promis de s’en occuper, et les a laissés fort contens de leur nouveau monarque. L’armée craignait ses prédilections pour un officier-général qu’elle n’aime pas et ses préventions contre le comte d’Alten, son héros, son chef, sa plus grande illustration. Mais le roi a su ménager ses sentimens, et il a fait à M. d’Alten l’accueil le plus flatteur. M. d’Alten, qui avait pris part aux travaux de la constitution de 1833, désapprouve certainement le décret royal du 5 juillet ; mais ni lui, ni ses anciens collègues, à l’exception de M. Rose, ne feront une opposition bien dangereuse au nouveau gouvernement. Au reste, toute cette affaire est encore fort obscure. Le roi a nommé une commission pour examiner jusqu’à quel point la constitution de 1833 était obligatoire pour lui, et cette commission, présidée par M. de Scheele, le nouveau ministre, aurait, disent les journaux allemands, adopté le point de vue du décret d’avénement, et suggéré, en outre, les modifications que la loi fondamentale devrait subir. Il ne s’agirait de rien moins que de transporter de la seconde à la première chambre le droit de voter le budget, de transformer les états en assemblée purement consultative, de supprimer la publicité des séances, et, enfin, de rétablir l’ancienne séparation entre les revenus publics et ceux des domaines royaux, dont la réunion avait été l’un des plus grands bienfaits du nouvel ordre de choses. Voilà tout. À ces conditions, l’ex-duc de Cumberland pourrait se résigner à n’être qu’un roi constitutionnel. En attendant,