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zodiaque, s’explique parfaitement, si l’on admet que les astres compris au temps d’Eudoxe dans la zone zodiacale n’étaient pas primitivement séparés du reste de la sphère ; il n’est pas plus surprenant alors de voir le bélier et le sagittaire introduits par Cléostrate dans l’uranographie grecque, que de voir les chevreaux inventés par le même[1], la petite ourse empruntée par Thalès aux Phéniciens[2], Canope et la chevelure de Bérénice introduite sous les Ptolémées, etc.

On sait, par le commentaire d’Hipparque sur Aratus[3], qu’Eudoxe plaçait les points équinoxiaux et solsticiaux au milieu des signes, non au commencement, comme Hipparque. Il se trouvait donc un intervalle de 15° ou un demi-signe entre les longitudes de ces deux astronomes. Cette différence fut attribuée à la précession des équinoxes. Mais comme il ne s’est écoulé qu’environ deux cents ans entre l’époque du premier et celle du second, tandis que le déplacement d’un demi-signe suppose un intervalle d’environ onze cents ans, on dut remonter plus haut pour expliquer cette différence ; on supposa donc qu’Eudoxe nous avait transmis, sans s’en douter, les positions appartenant à une sphère très ancienne. De là, des recherches savantes et des hypothèses ingénieuses sur l’origine et l’époque de cette sphère primitive.

Personne n’ignore les discussions qui se sont élevées dans le dernier siècle à cette occasion. Tout le système chronologique de Newton est fondé sur l’hypothèse de cette ancienne sphère, dont il faisait remonter l’origine à l’an 936, et que, selon lui, Chiron avait fabriquée pour l’usage des Argonautes[4]. Fréret en reculait l’époque jusqu’en 1353[5], et Bailly, adoptant la plus ancienne des deux époques, prenait cette prétendue sphère pour celle des Chaldéens et des Perses, qu’Hercule avait transportée dans la Grèce[6]. La critique approfondie de M. Delambre a prouvé que la sphère de Chiron ou d’Hercule ne méritait guère la vive et longue polémique dont elle fut l’objet, et que la sphère d’Eudoxe, bien loin de nous avoir conservé une ancienne uranographie exacte et complète, est elle-même d’une extrême inexactitude, puisque de toutes les positions des étoiles qui s’y trouvent indiquées, les unes se rapportent à des époques

  1. Hygin., P. Astr., ii, 13.
  2. Strab., i, 3. — Schol. Arat., v. 39. — Hygin., P. Astr., ii, 2.
  3. i, 10 et passim.
  4. Chron. of ancient kingdoms, pag. 25, 26.
  5. Défense de la chronologie, pag. 439.
  6. Histoire de l’Astronomie ancienne, pag. 183, 424, 425.