Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/481

Cette page a été validée par deux contributeurs.
477
ORIGINE DES ZODIAQUES.

seulement parmi les Égyptiens mais parmi les Grecs car il ne faut pas oublier que, depuis cinq siècles, au temps d’Hipparque, mais surtout depuis l’établissement des Ptolémées (il y avait un siècle et demi), les Grecs parcouraient, visitaient l’Égypte, et habitaient en grand nombre dans ses principales villes. L’ignorance des Grecs et d’Hipparque lui-même, sur la précession, avant d’avoir comparé les observations de Timocharis avec les siennes, sa surprise, lorsqu’il s’aperçut du déplacement du point équinoxial, seraient tout-à-fait inexplicables. Maintenant, au contraire, qu’il est démontré que tous les zodiaques égyptiens sont postérieurs à Hipparque, cette grande difficulté disparaît. Comment pourrait-on être surpris que les Égyptiens aient pu, ainsi que les Grecs, ignorer si long-temps le mouvement de précession[1], lorsqu’on sait que les Chinois, qui avaient un tribunal de mathématiques de temps immémorial, qui mesuraient exactement des ombres solsticiales onze cents ans avant notre ère, ne l’ont connu, et très probablement par une influence occidentale, que vers l’an 284 de notre ère[2], plus de quatre cents ans après Hipparque ?

iv.

Tel est le point où cette question se trouve définitivement amenée dans un ouvrage que j’ai publié récemment[3]. Elle forme déjà une théorie historique qui ressort de toutes les données certaines. Dans un travail subséquent, et dont je vais dire à présent quelques mots, j’ai cru pouvoir donner à cette théorie plus de généralité, en la liant

  1. Sur la question de savoir si les Égyptiens ont connu la précession des équinoxes, M. Ideler s’est exprimé d’une manière très dubitative, et avec une circonspection remarquable, à l’époque où il publiait son savant ouvrage sur les Observations des Anciens (Beobachtungen der Alten, S. 89. Berlin, 1806.) — Plus tard, il s’est montré plus affirmatif : il adopte mon opinion à ce sujet dans son excellent Manuel de Chronologie (Berlin, 1825), où il dit : « ich pflichte hierin ganz Hrn. Letronne bei. » (j’adopte entièrement ici l’avis de M. Letronne), tom. i, S. 193. M. A. Boeckh a cru apercevoir une idée du mouvement des fixes dans une opinion pythagoricienne, très obscurément exprimée (Philolaos des Pythagoreers Lehren, Berlin, 1819, S. 117, 118). Cet illustre philologue a pensé qu’une notion vague de la précession avait pu passer des Égyptiens aux Grecs, et il se fonde, pour en attribuer la connaissance aux premiers, précisément sur leur usage de placer des zodiaques dans leurs temples, en variant la division des signes, d’après les changemens survenus par suite du déplacement des points équinoxiaux et solsticiaux. Il est clair maintenant que cet usage n’existait pas. Je soutiens que la précession a été inconnue aux uns comme aux autres, et que l’idée pythagoricienne dont il s’agit n’est qu’une de ces vues aventureuses, qu’on trouve dans leur cosmographie, où, grace au vague et à l’obscurité de l’idée et de l’expression, on peut trouver le germe de plus d’une connaissance qu’ils n’ont pas même soupçonnée. (Note ajoutée.)
  2. Gaubil, Hist. de l’Astr. chin., pag. 46.
  3. Les Observations sur les représentations zodiacales, citée plus haut.