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LES MAÎTRES MOSAÏSTES.

breuses connaissances, et surtout ces jeunes patriciens si babillards, de venir te rendre, à la basilique, des visites continuelles. Un tel honneur blesse l’amour-propre des Bianchini : ils disent que ces jeunes gens te font perdre ton temps, qu’ils te détournent du travail pour t’occuper de choses futiles ; par exemple, cette joyeuse confrérie que vous venez d’instituer, et qui met en rumeur tous les fournisseurs de la ville…

— Oimé ! s’écria Valerio, c’est précisément pour cela que je suis si pressé de vous quitter ce soir : on m’attend pour régler le costume. Il n’y a pas à reculer, et tu es engagé sur l’honneur, Francesco, à en faire partie.

— Je m’y suis engagé, à condition que l’affaire ne commencerait qu’après la Saint-Marc, parce qu’alors j’espère avoir terminé ma coupole.

— J’ai dit cela et pour ton compte et pour le mien ; mais tu penses bien que deux ou trois cents jeunes gens, avides de plaisir, n’entendent pas facilement les raisons d’un seul qui est avide de travail. Ils ont juré que si nous nous refusions à être des leurs sur-le-champ, l’association était manquée, que rien n’était possible sans moi ; et là-dessus, ils m’ont fait de grands reproches, prétendant que je les avais lancés, que les dépenses étaient faites, la fête ordonnée, et qu’un aussi long retard donnerait un triomphe aux autres compagnies. Bref, ils ont tant fait, que je me suis engagé, et pour toi et pour moi, à inaugurer la bannière des compagnons du Lézard dans quinze jours. On débutera par un grand jeu de bagues et par un repas magnifique, où chaque compagnon sera tenu d’amener une dame jeune et belle.

— Ne penses-tu pas que ces folies vont retarder ton travail ?

— Vive la folie ! mais je la défie bien de m’empêcher de travailler quand l’heure du travail sonne. Il y a temps pour tout, frère ; ainsi je puis compter sur toi ?

— Tu peux m’inscrire, et, par tes mains, je déposerai ma cotisation ; mais je ne paraîtrai point à cette fête : je ne veux pas qu’on dise que les deux Zuccati s’amusent à la fois. Il faut que l’on sache que quand l’un se divertit, l’autre travaille pour deux.

— Cher frère ! s’écria Valerio en l’embrassant, je travaillerai pour quatre la veille, et tu viendras à la fête. Va, ce sera une fête superbe et dont le but est noble, une fête toute plébéienne et toute fraternelle. Il ne sera pas dit que les patriciens seuls ont le droit de s’amuser, et que les ouvriers n’ont que des confréries dévotes. Non, non ! l’artisan n’est pas réservé à faire toujours pénitence ! les riches s’ima-