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LE FRONTON DU PANTHÉON.

efforcé de montrer dans le torse et les membres tous les muscles dont l’académie recommande le volume plutôt que la beauté. C’est à peine s’il a tenu compte de la peau qui les recouvre, tant il désirait nous prouver qu’il les avait comptés. Nous aurions mauvaise grace à nier l’accomplissement de son désir. La figure de M. Nanteuil ne ressemble à aucun homme vivant, il serait impossible de se tenir pendant vingt secondes dans l’attitude qu’il lui a donnée ; mais l’auteur a prouvé qu’il avait copié plusieurs centaines de fois tous les bras, toutes les jambes, tous les torses que M. Jacquet a moulés sur les marbres grecs et romains, et qui servent aux études de l’école. La statue de M. Nanteuil est complètement nulle, complètement inexplicable ; mais il est impossible de ne pas reconnaître dans M. Nanteuil un disciple docile, sinon intelligent, des traditions académiques. Quelle est, en effet, selon l’Académie, la manière la plus claire de prouver son respect pour les traditions ? N’est-ce pas de s’effacer si bien, de s’absorber si parfaitement dans l’imitation des monumens antiques, d’assembler dans une œuvre sans nom tant de morceaux connus, qu’il soit impossible au spectateur de dire : Cette œuvre est sortie des mains d’un homme nouveau ? Et l’Alexandre de M. Nanteuil ne satisfait-il pas à toutes ces conditions ? Il y a certainement parmi les élèves des Petits-Augustins vingt personnes capables de faire une statue pareille à celle de M. Nanteuil ; donnez-leur du marbre, ils vous le prouveront.

Quels que soient donc les sujets proposés à M. Nanteuil par le ministère, il est impossible que M. Nanteuil les ait traités dans un style qui s’accorde avec le fronton de M. David. L’homme qui, ayant à représenter une des plus grandes figures de l’antiquité, n’a trouvé sous son ébauchoir que la statue sans nom que nous voyons aux Tuileries, n’est pas et ne sera jamais capable de traiter un épisode de l’histoire moderne. Il est probable qu’il aura suivi la méthode prudente adoptée par Gérard pour les pendentifs de la coupole. Il aura cherché dans la pierre une série d’allégories fécondes en significations diverses, tellement souples qu’elles peuvent s’appliquer à tous les ordres d’idées ; et dans chacune de ces figures allégoriques, il aura trouvé moyen d’utiliser ses souvenirs. Sans vouloir juger des compositions qui nous sont inconnues, ce qui serait absurde, nous avons le droit d’affirmer que ces compositions auront toutes les qualités et tous les défauts de l’Alexandre. Or, il n’y a pas une partie de l’Alexandre qui indique le désir sincère de créer une œuvre personnelle, et sans ce désir il n’est pas possible de décorer le Panthéon.

De ce rapide parallèle de MM. David et Nanteuil, nous sommes