Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/432

Cette page a été validée par deux contributeurs.
428
REVUE DES DEUX MONDES.

rien de vulgaire. L’exaltation de ses traits concilie très bien la noblesse et la vivacité. Je ne blâme pas le bonnet phrygien dont M. David a coiffé la Liberté, car la tête et l’attitude de la figure, sans contredire les souvenirs de la révolution française, produisent, dans l’ame du spectateur, une émotion qui n’a rien de tumultueux. Or, cette émotion est précisément ce qui assure le triomphe du statuaire. Si M. David, en effet, eût donné à la Liberté une attitude militaire, s’il l’eût représentée appelant aux armes la jeunesse de la France, elle eût perdu en véritable grandeur ce qu’elle eût gagné en animation. L’auteur a vu l’écueil placé devant lui, et il a su l’éviter. La Liberté qu’il nous montre aime les combats, mais comprend toute la valeur de la paix ; son ardeur belliqueuse ne s’oppose ni au développement, ni à l’exercice de la clairvoyance. Elle tourne ses yeux vers la Patrie reconnaissante, mais elle est assise de telle sorte que, sans changer de place, en tournant la tête, elle pourra porter ses regards sur les représentans glorieux de l’art, de la science, de la magistrature. L’expression de la tête se concilie admirablement avec l’attitude. La draperie de cette figure, sans avoir toute la légèreté, toute la souplesse que l’œil pourrait désirer, est cependant très supérieure à celle de la Patrie ; la gorge se dessine sous l’étoffe avec précision ; la saillie des hanches est clairement indiquée. Les bras de la Liberté se distinguent comme les bras de la Patrie, par la grandeur et la simplicité du modelé, par la logique et l’harmonie des proportions. M. David a bien fait de confier à la Liberté le soin de tresser les couronnes que la Patrie distribue. Il ne faut pas voir, dans le rôle qu’il a donné à cette vierge belliqueuse, l’intention de taquiner le pouvoir, mais bien la complète intelligence, l’explication précise de la liberté qui convient aux peuples civilisés. Si la Patrie prend des mains de la Liberté les couronnes qu’elle distribue, c’est que toutes les conquêtes scientifiques, comme les conquêtes militaires, tournent au profit de la liberté, c’est que le développement de l’intelligence, aussi bien que le développement de la force, sert à l’affranchissement des nations. La Patrie agit donc sagement en consultant la Liberté.

L’Histoire, placée pour le spectateur à droite de la Patrie, obtiendra peut-être des suffrages plus nombreux que les deux figures précédentes : quoique traitée avec une grande largeur, elle se rapproche cependant d’une façon plus évidente du type de la beauté grecque. Les cheveux sont relevés avec une élégance ionienne ; les yeux respirent l’admiration et l’amour des grandes actions ; les lèvres sont modelées avec une finesse exquise, et la tête, légèrement inclinée en