Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/429

Cette page a été validée par deux contributeurs.
425
LE FRONTON DU PANTHÉON.

La robe de Malesherbes est loin d’avoir la même grace et la même élégance que le vêtement de Voltaire, et pourtant elle offrait à la statuaire des ressources plus nombreuses. Si M. David eût consenti à ne pas traiter les plis de cette robe d’une façon uniforme, s’il eût montré l’homme sous la draperie, il est certain que Malesherbes fût devenu l’une des meilleures figures de son bas-relief ; mais les plis tombent en décrivant des lignes parallèles, et sont partout les mêmes. Ni les hanches ni les genoux ne sont indiqués ; la draperie a l’air d’être là pour elle-même, elle ne traduit rien, elle ne révèle aucune forme, et c’est pour cela précisément qu’il est impossible de ne pas la trouver mauvaise. Autant il serait ridicule de montrer les rotules sous les plis de la toge, autant il est nécessaire de montrer l’homme sous l’étoffe, et de varier les lignes de la draperie selon la forme et le mouvement du personnage. Ajoutons que M. David eût bien fait de supprimer le bonnet carré de Malesherbes ; cet élément de réalité est tout-à-fait inutile, et nuit singulièrement à la beauté des lignes. Tous les personnages placés près de lui ont la tête nue, et il n’y a aucune raison pour que Malesherbes demeure seul tête couverte parmi tous les hommes que la Patrie couronne. J’insiste à dessein sur les défauts de la toge de Malesherbes, parce que l’exemple de M. David peut entraîner dans la même faute un grand nombre de statuaires qui ne se recommanderaient pas par les mêmes qualités. C’est aux maîtres surtout que la critique doit s’adresser ; elle peut traiter avec indulgence, souvent même avec une bienveillance empressée, les premiers débuts d’un artiste encore inexpérimenté ; il lui est permis de passer sous silence les taches qu’elle a remarquées, car l’auteur de l’œuvre qu’elle applaudit ne fait pas autorité et n’entraînera personne à sa suite. Mais lorsqu’il s’agit d’un homme qui s’est déjà rendu célèbre par des œuvres nombreuses, il est juste, il est nécessaire de juger cet homme sans ménagement, avec une sévérité rigoureuse. Si la figure de Malesherbes se trouvait dans une composition signée d’un nom obscur, nous nous contenterions de la blâmer personnellement, sans nous croire obligé de publier notre blâme ; nous la trouvons dans une composition signée d’un nom justement célèbre, nous croyons remplir un devoir en énonçant notre désapprobation et en déduisant les motifs sur lesquels repose notre opinion, car c’est à ces conditions seulement que la critique peut espérer de servir à quelque chose. L’inflexible rigueur qui blesserait un talent novice s’applique sans danger aux talens éprouvés.

C’est pourquoi je ne crains pas de blâmer avec la même franchise le