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LE FRONTON DU PANTHÉON.

statuaire ; l’énergie et l’ardeur de l’attitude, en complétant cette belle création, assurent à M. David la sympathie et les suffrages de tous les hommes de goût.

Le hussard et le dragon sont empreints d’une vigueur héroïque. Je crois que la tête du lancier serait plus belle si M. David n’eût pas confondu la ligne du nez avec la ligne du front. Tel qu’il est, le profil du lancier n’est pas sans analogie avec celui d’un oiseau. Je ne dis pas qu’il soit impossible de rencontrer dans l’armée de pareils profils, mais je pense que l’art doit s’abstenir de les copier.

Le cuirassier, qui, en expirant, présente à la Patrie un trophée composé des dépouilles de l’Égypte, a le malheur de rappeler presque littéralement l’attitude de Bichat, placé de l’autre côté du fronton. Je professe pour la symétrie un respect religieux ; mais les lois de la symétrie ne sont pas applicables en toute occasion, et M. David, en donnant à deux personnages si différens une attitude presque identique, me paraît s’être mépris complètement. Que Bichat, déposant sur l’autel de la Science son Traité de la vie et de la mort, lève la tête et regarde d’un œil à demi éteint les couronnes que la Patrie distribue à ses glorieux enfans, je le conçois, et cependant je voudrais que Bichat fût composé plus simplement ; mais un soldat, même à son dernier soupir, doit garder un reste d’énergie militaire et se ranimer en voyant la couronne pour laquelle il a combattu. Or, le mouvement du cuirassier est à peu près le même que celui de Bichat. Le casque, en se renversant, laisse au-dessus de la tête, entre le front et la visière, un espace effrayant. N’eût-il pas été plus naturel de présenter le cuirassier tête nue ? La cuirasse n’eût-elle pas suffi à désigner clairement l’arme à laquelle appartient le soldat expirant ? Il est permis de croire que M. David a été poussé à la faute que je signale par la forme du fronton. Il a voulu mettre à profit toutes les parties de l’espace qui lui était dévolu, et il a placé deux figures pareilles de chaque côté de sa composition. Il me semble qu’il pouvait, tout en respectant la symétrie des masses, l’harmonie linéaire, attribuer à Bichat et au cuirassier de l’armée d’Égypte des mouvemens dissemblables.

Je dois louer sans restriction le parti que l’auteur a su tirer des deux extrémités du fronton. La raison défend de blâmer l’identité des attitudes attribuées aux élèves des écoles savantes. Les figures de chaque côté jouent le même rôle ; il est naturel qu’elles décrivent la même ligne. Les poètes, les orateurs, les jurisconsultes futurs qui occupent l’extrémité gauche sont penchés sur leurs livres, comme les