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LE FRONTON DU PANTHÉON.

pital et Colbert ; avant Hoche et Napoléon, Charlemagne, Duguesclin et Bayard. Y avait-il sur le fronton du Panthéon place pour tous les hommes que je demande ? Je crois pouvoir me prononcer pour l’affirmative. Et, dans le cas où la place eût manqué, il eût toujours été possible de respecter le principe que je pose. Quel que fût le nombre des hommes appelés à représenter la gloire de la France, la raison prescrivait de choisir ces représentans, non dans un moment donné de notre histoire, mais en parcourant la biographie entière de la nation. Toutefois, je reconnais qu’il valait mieux se montrer sévère sur le choix des figures que de les multiplier indéfiniment, afin de leur donner une importance convenable. Le point capital, selon moi, était de donner au fronton un caractère grave, impartial ; or, pour atteindre ce but, il est évident que le statuaire ne devait pas circonscrire la reconnaissance de la patrie dans le cercle étroit d’un siècle donné. Quoique la destination actuelle du Panthéon remonte aux jours ardens de la révolution française, il n’y a aucune inconséquence à juger, à célébrer le passé avec une clairvoyance, une générosité que la révolution française ne connaissait pas. Elle avait sa tâche, et le siècle présent a la sienne. Engagée dans une lutte sanglante, elle n’avait pas le loisir de trier dans le passé ce qui mérite une éternelle reconnaissance ; elle continuait l’histoire et ne la comprenait pas. Son aveuglement ne doit pas être pour nous un sujet de reproche, mais il est bon, il est sage de le proclamer et de ne pas l’imiter. Les luttes réservées à la génération nouvelle sont d’une autre nature et permettent à la pensée de comprendre et de juger le passé avec plus de clairvoyance et de sérénité. C’est pourquoi le fronton du Panthéon, destiné à traduire l’opinion de la France sur les grands hommes qui l’ont honorée, devait juger le passé, non pas avec les passions de la révolution française, mais avec l’impartialité de la génération contemporaine. Puisque la restauration avait brisé les bas-reliefs sculptés dans les dernières années du XVIIIe siècle, puisque le fronton était vide, le statuaire avait une entière liberté.

M. David a compris autrement la reconnaissance de la patrie pour les grands hommes Il a cru devoir demeurer fidèle aux principes de la révolution française. À notre avis cette manière de concevoir le sujet a moins de grandeur et de richesse, mais elle a du moins le mérite de l’unité. Le statuaire a cru qu’il devait plutôt restituer qu’agrandir la pensée qui avait changé la destination primitive de Sainte-Geneviève. Il a vu dans le fronton du Panthéon l’occasion d’exprimer une opinion politique, précisément conforme aux espérances, à la