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LE FRONTON DU PANTHÉON.

tement, n’a plus rien d’étroit ni de mesquin. Si M. Desprez, en composant la statue du général Foy, aujourd’hui placée à la chambre des députés, se fût pénétré, comme M. David, de la nécessité de l’interprétation, le plus populaire des orateurs de la restauration ne ressemblerait pas à un paysan endimanché.

Sans doute il est permis de comprendre et de traduire diversement la légende inscrite au-dessous du fronton du panthéon ; mais la diversité des commentaires et des traductions ne peut abolir le sens général de cette légende, et nous croyons que la reconnaissance de la patrie pour les grands hommes embrasse tous les momens de notre histoire, et tous les ordres de mérite qui ont honoré notre pays : car s’il en était autrement, le Panthéon, au lieu d’être un monument national, serait un monument de circonstance ; au lieu de s’adresser au peuple entier, il s’adresserait à une classe déterminée de la société française, et, si beau qu’il fût, il n’aurait plus qu’une importance secondaire. Je dis que cette légende : Aux grands hommes la patrie reconnaissante, doit embrasser tous les ordres de mérite ; car la patrie, c’est-à-dire la conscience une et continue des générations qui se succèdent sur le sol que nous habitons, est nécessairement impartiale et clairvoyante. Elle ne met pas le guerrier au-dessus du magistrat, l’orateur au-dessus du poète, l’homme d’état au-dessus de l’historien, l’industrie au-dessus de l’art ; éclairée par les rayons qui lui arrivent de toutes parts, elle proclame dignes de reconnaissance toutes les œuvres qui peuvent servir à la gloire, à l’agrandissement, à l’indépendance, à la liberté de la nation. Elle est juste et généreuse, parce qu’elle est clairvoyante. Je dis que sa reconnaissance doit s’adresser à tous les momens de notre histoire, parce qu’elle n’est pas la conscience d’un siècle donné, mais bien celle de tous les siècles qui se sont succédé depuis que notre pays joue un rôle important dans l’histoire. La patrie est contemporaine de toutes les grandes actions, de tous les hommes éminens qui l’ont honorée ; c’est pourquoi il ne lui est pas permis de couronner les héros de la révolution française, et d’oublier le premier législateur qui a réglé la conduite de nos ancêtres. Elle n’est pas obligée d’accepter comme illustres tous les hommes que les partis victorieux ont couronnés ; mais à moins de mentir à sa personnalité, à moins de mutiler sa conscience, elle est forcée de distribuer ses couronnes à tous ceux qui ont laissé de leur passage une trace glorieuse. Seule elle peut juger ce que les grandes figures du XVIe siècle doivent aux grandes figures du XVe. Libre de toute passion, aimant d’un amour égal