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POLITIQUE D’ARISTOTE.

tails curieux pour l’histoire des mœurs, sur la grossesse des femmes, l’abandon des enfans contrefaits, qui était un principe généralement reçu dans la Grèce, l’alimentation des enfans et leurs premières années.

L’éducation doit être un des objets principaux du soin du législateur. Comme l’état tout entier n’a qu’un seul et même but, l’éducation doit être nécessairement identique pour tous ses membres, d’où il suit qu’elle doit être un objet de surveillance publique et non particulière, bien que ce dernier système ait généralement prévalu, et qu’aujourd’hui chacun instruise ses enfans chez soi par les méthodes et sur les objets qu’il lui plaît. Nous trouvons ici l’opinion théorique d’Aristote et la preuve de la décadence du patriotisme grec. Au temps du Stagirite, les cités de la Grèce avaient perdu leur unité morale ; l’éducation était abandonnée aux fantaisies individuelles, et cependant, dit Aristote, les enfans appartiennent à l’état, puisqu’ils en sont tous des élémens ; donc la loi doit régler l’éducation, et l’éducation doit être publique.

Dans ce cinquième livre, qui est fort court, où il traite de l’éducation, Aristote parle avec une justesse exquise de la musique qu’il appelle une imitation des sensations morales. Nous recommandons ce livre à ceux qui s’occupent de l’histoire de la musique et de la poésie ; ils y verront les trois espèces de chants que connaissaient les Grecs, les motifs qui leur faisaient proscrire la flûte, et les louanges décernées à l’harmonie dorienne.

Après cette digression sur l’éducation, notre philosophe revient à sa thèse de la meilleure constitution ; mais, dit-il, il ne suffit pas d’imaginer un gouvernement parfait, il faut surtout un gouvernement praticable, d’une application facile et commune à tous les états. L’homme d’état doit être capable d’améliorer l’organisation d’un gouvernement déjà constitué, et cette tâche lui serait complètement impossible s’il ne connaissait pas toutes les formes diverses de gouvernement. Aristote reprend ici son étude des constitutions, et s’engage plus que jamais dans l’exploration des faits politiques. Sa haute raison semble s’élever encore, et acquérir en même temps plus d’ampleur et de solidité. Le milieu et la fin de sa Politique sont marqués par trois théories, l’une sur les classes moyennes, l’autre sur les trois pouvoirs, la troisième sur les révolutions, théories qui tiennent le premier rang parmi les plus beaux résultats de la raison humaine. L’expérience des temps modernes peut encore aujourd’hui y puiser de salutaires leçons.