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POLITIQUE D’ARISTOTE.

seront nécessairement autant qu’elles. Il y a donc plusieurs organisations politiques : quels en sont le nombre, la nature, les différences ? Le principe qui domine toutes les variétés d’organisation politique est que les constitutions qui ont en vue l’intérêt général sont pures et essentiellement justes, et que toutes celles qui n’ont en vue que l’intérêt personnel des gouvernans, viciées dans leurs bases, ne sont que la corruption des bonnes constitutions. Après avoir établi ce principe, Aristote reconnaît trois espèces principales de gouvernement, la royauté, l’aristocratie, la république ; mais ces trois espèces en enfantent trois autres ; la royauté produit la tyrannie, l’aristocratie l’oligarchie, la république la démagogie. Maintenant, à qui doit appartenir la souveraineté dans l’état ? Ce ne peut être qu’à la multitude, ou aux riches, ou aux gens de bien, ou à un seul individu supérieur par ses talens, ou à un tyran. Aristote signale partout des écueils ; il est aussi juste envers la multitude qu’envers l’élite des hommes distingués : il conclut que la souveraineté doit appartenir aux lois fondées sur la raison ; puis il pose ce fait fondamental, qui a été reproduit par Montesquieu, que les lois se rapportent toujours à la nature de l’état. Et il faut préférer la souveraineté de la loi à celle de l’individu ; et, d’après ce principe, si le pouvoir est remis à plusieurs citoyens, ils ne doivent être que les gardiens et les serviteurs de la loi. Des trois constitutions qui ont été reconnues bonnes, la meilleure doit être nécessairement celle qui a les meilleurs chefs. Tel est l’état où le pouvoir n’appartient qu’à la vertu, qu’on le confie d’ailleurs, soit à un seul individu, soit à une race entière, soit à la multitude, et où les uns savent obéir aussi bien que les autres savent commander, dans l’intérêt du but le plus noble.

Quel serait donc le gouvernement parfait ? Il faut préciser d’abord le but suprême de la vie humaine. Ce but est le bonheur ; et l’état le plus parfait est celui où chaque homme peut, grace aux lois, s’assurer le bonheur par la vertu : ainsi le but suprême de la vie est nécessairement le même pour l’homme pris individuellement que pour les hommes et l’état en général. Le bonheur, qui, pour les individus comme pour l’état, est toujours en proportion de la vertu et de l’intelligence, consiste dans l’activité. Pour agir, l’état doit être constitué harmonieusement. La juste proportion pour le corps politique, c’est évidemment la plus grande quantité possible de citoyens capables de satisfaire aux besoins de leur existence, mais pas assez nombreux pour se soustraire à une facile surveillance. Le meilleur territoire sera celui qui assure le plus d’indépendance à l’état, et qui