Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/379

Cette page a été validée par deux contributeurs.
375
REVUE. — CHRONIQUE.

l’opinion du pays et qu’on l’était trop de celle des chambres. Il en est résulté cette guerre mal faite, par saccades et avec des moyens insuffisans, que tout le monde aujourd’hui s’accorde à réprouver, et à laquelle le gouvernement vient de substituer, par le traité de la Tafna, un système pacifique, fondé sur l’occupation restreinte. C’est au moins un essai à faire, et on le fera cette fois sur une grande échelle, dans toute l’étendue de la régence, sauf la province de Constantine, et avec des conditions de succès assez heureusement combinées.

Ce n’était peut-être pas ici le lieu de présenter ces développemens sur la question générale d’Alger : mais nous y avons été amenés par tout ce que nous lisons depuis quelque temps sur le traité de la Tafna, et par les accusations fort peu concluantes auxquelles il a servi de texte. Si on ne l’avait pas sous les yeux, et si on ne connaissait pas les faits, on pourrait croire que la France avait cédé d’un trait de plume des provinces entières, des villes populeuses, un vaste pays, riche et fertile, qui aurait été bien tranquillement soumis à sa domination, où des garnisons bien établies, communiquant facilement entre elles, auraient maintenu sans peine les populations dans l’obéissance, et où seulement il aurait fallu attendre quelques années encore pour recueillir les fruits certains de sacrifices légers et tout ordinaires. Au lieu de cela, quelle est la réalité ? On n’a rien cédé de ce qu’on possédait sauf Tlemcen, point excentrique, dont le ravitaillement exigeait chaque fois une grande et coûteuse expédition. Pour tout le reste du territoire dont Abd-el-Kader est reconnu par la France le maître responsable, la guerre ne l’avait point donné, la paix ne l’enlève point à la France. Le maximum des forces dont le gouvernement aurait pu disposer pour continuer la guerre, tout susceptible qu’il fût de recevoir au gré des circonstances une extension irrégulière, n’aurait certainement suffi ni à la conquête, ni à la garde de ce qu’on renonce pour le moment à disputer aux Arabes. D’où viennent donc tant de clameurs contre le traité de la Tafna ? Est-ce que la France a perdu une seule des positions maritimes dont la conservation serait précieuse pour maintenir sa puissance dans la Méditerranée ? Pas une. Entre la régence de Tunis et l’empire de Maroc, elle conserve toutes celles que ses amis ont souhaitées, que ses ennemis ont craint de lui voir acquérir, toutes celles qui ont une utilité reconnue et un avenir assuré. Est-ce que le terrain manque à l’affluence des émigrans européens ? Est-ce que tous les essais publics de colonisation et de cultures nouvelles n’ont pas autour d’Alger, dans la plaine non encore assainie de la Mitidjah, autour d’Oran, dans les trois cents lieues carrées où la France règne sans partage, un champ assez vaste et une assez large carrière ? Avant de se récrier sur les bornes imposées à notre domination, qu’on laisse arriver les colons, défricher ces terres fertiles, dessécher ces marais, diriger le cours de ces eaux trop rares, mais souvent mal employées, et puis on verra.

Oh ! sans doute, le traité de la Tafna, ce n’est pas la paix de Campo-Formio ; mais nous n’avons pas eu de ce côté notre campagne d’Italie, et, qui